Les questions relatives à la protection par CCP des énantiomères et des racémates connaissent avec l’arrêt du 31 janvier 2012 de la Cour de Cassation un nouvel éclairage.
- Voyons d’abord, l’arrêt du 31 janvier 2012
La Cour de cassation rejette le pourvoi contre l’arrêt de la Cour de Paris du 9 juin 2010 qui avait rejeté le recours contre le refus de l’INPI de délivrer un second CCP.
« Mais attendu, en premier lieu, que l’arrêt constate que le CCP n°02C0020 a été demandé pour une spécialité phytopharmaceutique ayant comme substance active l’association du benoxacor et du S-Métolachlore et que le CCP n°97C0048 antérieurement délivré sur la base du brevet n° 84810599 couvre l’association du benoxacor et du métolachlore sans référence à une ou plusieurs formes spatiales particulières de ce dernier ; qu’il relève encore par motifs propres et adoptés, que la molécule de métolachlore est dotée de deux énantiomères r et s et possède quatre formes spatiales possibles et que le S-Métolachlore n’est qu’un énantiomère de la substance métolachlore ; qu’il relève enfin, par motifs adoptés, qu’il n’est pas démontré que le passage de la substance active en cause d’une forme racémique à une forme énantiomère implique un profil d’activité différent du produit ; que de ces constatations et appréciations, la cour d’appel, qui a procédé à la recherche visée par la deuxième branche, a pu déduire que l’association du benoxacor et du S-Métolachlore constituait une même substance active que l’association du benoxacor et du métolachlore puisqu’elle était composée d’une même suite d’atomes et, partant, un même produit au sens des articles 1. 3, 1. 8 et 3 du règlement CE 1610/96 ; »
Se comprend ainsi qu’il s’agit de la même substance active.
Et la Cour de cassation examinant le second moyen du pourvoi :
« que l’objet de la protection conférée par un CCP concernant toute utilisation du produit, au sens de l’article 1er du règlement n°1610/96, sans qu’il y ait lieu de prendre en considération son degré d’efficacité, »
- Mais quelle protection en pratique ?
A la lecture de l’arrêt de cassation, la requérante n’avait pas suffisamment montré qu’un second CCP était nécessaire.
Or, la requérante devant la Cour de Paris a avancé de nombreux arguments qui amènent à douter de la solidité de son premier CCP pour contester l’emploi par un tiers de la forme chimique visée par cette seconde demande de CCP :
Considérant que la société SYNGENTA, reprenant au soutien de son recours son argumentation telle que développée devant le directeur général de l’INPI, maintient
que le produit objet de la demande de certificat complémentaire de protection en cause est différent de celui protégé par le précédent certificat n° 97C0048 puisque ce dernier protège une composition contenant le benoxacor associé au racémate metolachlore et non à l’énantiomère s-metolachlore ;
Qu’elle explique que ces produits sont bien différents dès lors qu’ils sont :
-1°) protégés par des brevets différents, respectivement EP 0 149 974 et EP 0 685 157,
-2°) couverts par deux autorisations de mise sur le marché distinctes, respectivement n° 90 00123 et n° 98 00259,
-3°) commercialisés sous deux marques différentes, respectivement duelor + safeneur et dual gold safeneur,
Que l’effet de ces produits n’est pas identique, des essais comparatifs ayant montré que l’un d’entre eux seulement avait une activité phytotoxique efficace sur la
mauvaise herbe Chenopodium album au stade de la germination GS 06 ;
Qu’enfin, dans les autorisations de mise sur le marché auxquelles il est fait référence, les dosages et la composition des produits sont différents, le dosage indiqué pour l’énantiomère s-metolachlore étant en particulier 1,5 fois moindre que le dosage indiqué pour le métolachlore sous forme racémique »;
Cette société si elle entendait opposer son (premier) CCP contre un emploi visé à ce qui semblait devoir être protégé par sa demande de second CCP, ne risque-t-elle pas de se voir opposer son argumentation devant la Cour de Paris ?