Il n’est pas impossible qu’un dysfonctionnement de l’office intervienne même à propos d’une constatation de déchéance. Les tiers qui pensaient le titre déchu, et qui se le voient ultérieurement opposer, disposent–ils d’une action en responsabilité contre l’INPI ? Les deux arrêts du 19 septembre 2012 de la Cour de Paris lui reconnaissent cette compétence.
Rappelons le calendrier tel que présenté dans les deux arrêts rendus le 19 septembre 2012 par la Cour de Paris.
5 juin 1981 : dépôt du brevet français n° 81 11190 couvrant un principe actif, la Pravastatine, entrant dans la composition de médicaments destinés à combattre l’hypercholestérolémie.
12 juillet 1985 : délivrance du brevet.
26 août 1992 : délivrance du CCP n° 92 C 0224.
5 juin 2001 : terme du brevet. DAIICHI SANKYO en est titulaire.
26 janvier 2005 : décision de constatation de déchéance du Directeur de l’INPI pour défaut de paiement de la quatrième annuité du CCP.
28 juin 2006 : DAIICHI SANKYO forme un recours en annulation de cette décision,
3 juillet 2006 : rejet de ce recours comme tardif par une décision du Directeur de l’INPI.
18 juillet 2006 : recours en annulation de DAIICHI SANKYO devant la Cour de Paris.
14 mars 2007 : les deux décisions de Directeur de l’INPI sont annulées.
1er juillet 2008 : rejet des pourvois par la Cour de Cassation.
Cette situation n’est pas sans conséquence pour les tiers ……
A suite de l’arrêt du 14 mars 2007 :
- EG LABO est assignée en contrefaçon par DAIICHI SANKYO.
29 février 2009, la Cour de Paris déclare mal fondée la tierce opposition de EG LABO contre l’arrêt du 14 mars 2007.
16 décembre 2010 : EG LABO assigne l’INPI en responsabilité.
- TEVA SANTE qui fait également l’objet d’une action de DAIICHI SANKYO, agit également contre l’INPI, le 14 mars 2011, devant la Cour de Paris
Les deux arrêts rendus le 19 septembre 2012 se prononcent sur la compétence de la Cour de Paris, compétence contestée par l’INPI.
Ne sont citées, ici, des riches et intéressants développements de la Cour de Paris, que quelques lignes :
Que force est de constater en effet que si la juridiction judiciaire est compétente en vertu de l’article L.411-4 du Code de la propriété intellectuelle pour statuer sur les conséquences dommageables des fautes commises par le directeur de l’INPI à l’occasion de l’exercice de ses prérogatives en matière de délivrance, du rejet ou du maintien des titres de propriété industrielle, il n’y a aucun lieu de distinguer, là où la loi ne distingue pas, selon que ces conséquences dommageables sont subies par l’auteur du recours ou par un tiers ;
Qu’une telle distinction instituerait en outre une rupture d’égalité entre des justiciables dont l’action en responsabilité, quoique fondée sur un même fait dommageable imputable à une même autorité administrative et commis à l’occasion des mêmes attributions, ne relèverait pas du même ordre de juridiction et contreviendrait à la logique d’un bloc homogène de compétence judiciaire pour l’ensemble des contestations liées aux décisions prévues à l’article L.411-4 du Code de la propriété industrielle ;
Considérant qu’il échet en conséquence de retenir la compétence de l’ordre judiciaire et, précisément,par application des dispositions combinées des articles L.411-4 et D.411-19-1 alinéa 3 du Code de la propriété intellectuelle, de la cour d’appel de Paris, pour connaître directement de l’action en son directeur relativement au maintien du certificat complémentaire de protection n° 92 C 0224 ;
Considérant que l’INPI n’est pas davantage fondé à se prévaloir d’une atteinte au principe du double degré de juridiction qui n’est ni consacré à titre de principe général du droit de valeur constitutionnelle ni exigé par le droit à un procès équitable garanti par l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et ne s’impose pas au législateur qui peut y déroger par des dispositions expresses telles celles édictées à l’article L.411-4 du Code de la propriété intellectuelle qui confèrent à la cour d’appel une compétence en premier et dernier ressort ;
Considérant que la cour de céans doit être regardée, à défaut d’indication contraire du législateur, comme valablement saisie par la voie de l’assignation laquelle est citée à l’article 54 du code de procédure civile au nombre des formes possibles d’introduction d’une demande contentieuse devant le juge civil ; que l’INPI ne conteste pas au demeurant la validité de l’assignation comme mode de saisine de la cour dans l’hypothèse où celle-ci serait reconnue compétente pour se prononcer en la cause en premier et dernier ressort ;
Les deux arrêts s’ils retiennent la compétence de la Cour de Paris, prononcent des sursis à statuer dans l’attente des décisions définitives sur les actions en contrefaçon.