Question classique pour les avocats en contentieux des droits de propriété industrielle, quel juge saisir ? L’arrêt du 18 octobre 2012 de la Cour de Justice donne un principe et des indices pour déterminer le juge compétent en cas d’atteinte à une base de données et au droit sui generis.– La société britannique Football Dataco e.a prétend détenir, en vertu du droit du Royaume-Uni, un droit sui generis sur la base de données «Football Live» relative aux rencontres de football en cours.
– La société allemande Sportradar GmbH diffuse en direct, sur Internet, les résultats et d’autres statistiques afférents, notamment, aux rencontres de football de la ligue anglaise, sur son site betradar.com. Parmi ses clients figurent deux sociétés qui proposent des services de paris destinés au marché du Royaume Uni et le site web de chacune de ces deux sociétés contient un lien vers betradar.com.
- Deux actions en justice, l’une en Angleterre, l’autre en Allemagne
Devant la juridiction anglaise, Football Dataco e.a. assigne Sportradar Gmbh devant la High Court of Justice pour atteinte au droit sui generis. Mais Sportradar Gmbh conteste la compétence de cette juridiction.
En Allemagne, Sportradar GmbH assigne Football Dataco e.a. devant le Landgericht Gera, aux fins d’obtenir une attestation négative selon laquelle ses activités ne violent aucun droit de propriété intellectuelle dont Football Dataco e.a. serait titulaire.
- La difficulté du juge anglais pour retenir sa compétence sur l’ensemble du litige
17 novembre 2010 : la High Court of Justice se déclare :
– compétente pour connaître de l’action introduite par Football Dataco e.a. en tant qu’elle porte sur la responsabilité conjointe (solidaire) de Sportradar Gmbh et de ses clients les deux sociétés évoquées ci-dessus qui utilisent son site web au Royaume-Uni, en raison d’une violation de leur droit sui generis par des actes d’extraction et/ou de réutilisation.
– décline sa compétence pour connaître de l’action de Football Dataco e.a. en tant qu’elle concerne la responsabilité principale de Sportradar Gmbh du fait d’une telle violation.
Football Dataco e.a. et Sportradar Gmbh font appel .
La juridiction d’appel, the Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division), saisit d’une question préjudicielle la Cour de Justice pour la détermination de la compétence.
- L’arrêt de la Cour de Justice est du 18 octobre 2012
Un principe :
38 Ainsi, dans l’affaire au principal, le fait que, à la demande d’un internaute établi au Royaume-Uni, des données figurant sur le serveur web de Sportradar soient envoyées vers l’ordinateur de cet internaute à des fins techniques de stockage et de visualisation sur l’écran ne suffit pas, à lui seul, pour permettre de considérer que l’acte de réutilisation auquel se livre Sportradar à cette occasion a lieu sur le territoire de cet État membre.
Mais la Cour va ensuite énumérer différents indices qui pourraient attribuer la compétence au juge britannique :
– des données relatives aux rencontres des championnats de football anglais,
– le fait que Sportradar Gmbh a octroyé par contrat le droit d’accéder à son serveur à des sociétés proposant des services de paris à destination du public anglais,
– des droits d’accès calculés en fonction de l’importance des activités desdites sociétés sur le marché du Royaume-Uni,
– l’utilisation de la langue anglaise, langue qui diffère des autres pays à partir desquels cette société exerce ses activités.
D’où un arrêt en points A et B :
L’article 7 de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 1996, concernant la protection juridique des bases de données, doit être interprété en ce sens que l’envoi par une personne, au moyen d’un serveur web situé dans un État membre A, de données préalablement téléchargées par cette personne à partir d’une base de données protégée par le droit sui generis au titre de cette même directive, sur l’ordinateur d’une autre personne établie dans un État membre B, à la demande de cette dernière, à des fins de stockage dans la mémoire de cet ordinateur et d’affichage sur l’écran de celui-ci, constitue un acte de «réutilisation» desdites données par la personne ayant procédé à cet envoi. Il convient de considérer que cet acte a lieu, à tout le moins, dans l’État membre B, dès lors qu’il existe des indices permettant de conclure qu’un tel acte révèle l’intention de son auteur de cibler des membres du public établis dans ce dernier État membre, ce qu’il appartient à la juridiction nationale d’apprécier.