Deux sociétés sont condamnées par la Cour de Bordeaux pour contrefaçon de la partie française du brevet européen n ° EP 0 682 885 relatif à un dispositif de fixation d’un casque de cycliste.
Le 6 novembre 2012, la Cour de cassation rejette le pourvoi de ces deux sociétés.
- Un moyen du pourvoi portait sur l’appréciation par la Cour de Bordeaux de la validité dudit brevet, validité qui, semble-t-il , avait été contestée au regard de la priorité invoquée. Il est également question de la décision de l’OEB et de la référence à celle-ci par l’arrêt contesté.
Deux extraits du moyen :
4°/ que pour motiver sa décision, le juge doit se déterminer d’après les circonstances particulières du procès et non par voie de référence à une décision rendue à l’occasion d’un autre litige, et n’ayant pas l’autorité de chose jugée ; qu’en retenant que si la chambre de recours de l’OEB avait validé le brevet européen EP 0 682 885 B2, dans sa forme modifiée, tout en lui conservant le bénéfice de la priorité du brevet français FR 94 06014, ce serait nécessairement en raison de leur stricte identité, la cour d’appel, qui s’est ainsi déterminée par voie de simple référence à une décision antérieure qui ne disposait d’aucune autorité de chose jugée entre les parties au présent litige, a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;
5°/ que le seul fait que l’objet des revendications du brevet européen, délivré ou maintenu sous une forme modifiée, ne s’étende pas au-delà du contenu global de la demande de brevet européen déposée à l’origine ne suffit pas pour que la condition d’identité d’invention entre ce brevet européen et la demande nationale dont la priorité est revendiquée soit satisfaite ; qu’en retenant, en l’espèce, que les inventions couvertes par le brevet européen EP 0 682 885 B2 et la demande de brevet français FR 94 06014 seraient nécessairement identiques, dès lors qu’il avait été constaté par la chambre de recours de l’OEB que les caractéristiques ajoutées à la revendication 1 du brevet européen EP 0 682 885 B2 n’étaient pas de nature à étendre la protection au sens de l’article 123(2) de la Convention sur le brevet européen, la cour d’appel a violé les articles 87 et 123 de la Convention sur le brevet européen ;.
Et le rejet du moyen est ainsi motivé.
Mais attendu que l’arrêt relève, par motifs propres et adoptés, qu’à la suite de la décision de la chambre de recours de l’Office européen des brevets, a été ajoutée à la revendication 1 du brevet européen la mention « de manière que lors de l’encliquetage du moyen de liaison amovible, la sangle occipitale assure une traction sur le patin occipital qui se trouve plaqué contre la partie occipitale basse sous l’occiput sans aucune possibilité de retrait », alors que, dans la demande de brevet français, il était mentionné dans la description « qu’après mise en place sur le crâne de l’utilisateur, on constate que le patin d’appui occipital est en amont de l’axe 32 ce qui permet de bloquer le casque sur la partie correspondante de l’occiput, évitant ainsi tout arrachement et limitant de façon très sensible les mouvements de bascule de ce casque » ; qu’il en déduit que la modification de rédaction du brevet européen ne couvre pas une fonction nouvelle mais ne constitue qu’une description précise et détaillée des effets obtenus par la mise en oeuvre des caractéristiques de l’invention que l’homme du métier pouvait tirer directement de la description du brevet français ; que de ces constatations et appréciations la cour d’appel, qui ne s’est pas déterminée par référence à la décision rendue par la chambre de recours de l’Office européen des brevets, a pu, par des motifs dénués de tout caractère ambigu et abstraction faite du motif surabondant critiqué par la cinquième branche, déduire que le brevet européen recouvrait une invention identique à la demande de brevet français et pouvait bénéficier de la priorité de cette demande antérieure ; que le moyen n’est pas fondé ;
- Sur l’application de L615-1
Des arguments invoqués (les branches du moyen) , trois sont reproduits ci-dessous.
3°/ que l’offre, la mise dans le commerce, l’utilisation, la détention en vue de l’utilisation ou la mise dans le commerce d’un produit contrefaisant n’engagent la responsabilité de leur auteur que si les faits ont été commis en connaissance de cause, ce qu’il appartient au demandeur à l’action en contrefaçon de prouver ; qu’en retenant que les sociétés I………. et T…….., en tant que vendeurs professionnels spécialisés dans les articles de sport, ne pouvaient invoquer leur ignorance ou considérer que la société T…… S…… devait faire la preuve qu’elles avaient agi en connaissance de cause, sans constater que les sociétés I…….. et T…. auraient engagé leur responsabilité pour des faits autres que la seule commercialisation des produits litigieux, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve, en violation des articles 9 du code de procédure civile, 1315 du code civil et L. 615-1 du code de la propriété intellectuelle ;
4°/ qu’en se bornant à retenir qu’étant spécialisées dans le commerce d’articles de sport, les sociétés I….. et T……… ne pouvaient ignorer la teneur des produits qu’elles distribuent, et devaient s’assurer de la provenance de ceux-ci, sans constater que ces sociétés auraient eu connaissance de l’existence des droits revendiqués par la société T…….. S….. sur le brevet européen EP 0 682 885 B2, ou du caractère contrefaisant des produits litigieux, la cour d’appel, qui s’est ainsi déterminée par des motifs impropres à établir que les sociétés I………… et T…….. auraient commis les faits qui leur étaient reprochés en connaissance de cause, a violé l’article L. 615-1 du code de la propriété intellectuelle ;
5°/ qu’en relevant que les sociétés I……….. et T………. confiaient la fabrication de certains de leurs produits à des sous-traitants, sans constater précisément qu’elles auraient eu l’initiative de la fabrication des casques litigieux, et quand, en tout état de cause, la société T….. S….. n’incriminait aucun acte de fabrication à l’encontre de ces sociétés, la cour d’appel s’est prononcée par un motif inopérant, en violation de l’article L. 615-1 du code de la propriété intellectuelle ;
Et leur rejet :
qu’ayant relevé que les sociétés I…….. et T……., spécialisées dans le commerce de sport, développaient des rayons consacrés au sport cycliste, qu’elles vendaient en masse des articles relevant de ce domaine et en confiaient même la fabrication à des sous-traitants au travers d’une centrale d’achat, la cour d’appel a pu, abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par la troisième branche, statuer comme elle a fait ;