Quelle indemnisation pour le fabricant qui s’est vu interdire, à titre provisoire, la commercialisation de ses produits au regard d’un brevet finalement annulé ?
Le précédent post a déjà présenté les circonstances de l’arrêt du 23 janvier 2013 de la Cour de Paris qui a annulé le brevet.
Restent à voir les demandes indemnitaires de MYLAN et de SYNTECO.
Le 23 janvier 2013, la Cour a confirmé également le jugement qui a rejeté les demandes indemnitaires de MYLAN et de SYNTECO.
- Sur les demandes de MYLAN
Considérant, toutefois, que le seul fait que le titre de propriété soit en définitive totalement annulé ne saurait suffire à démontrer que, tant la société MEDIDOM, titulaire du brevet, que la société NEGMA, licenciée exclusif pour son exploitation en France, ne pouvaient ignorer que ce titre aurait été vicié alors même que sa validité n’a pour la première fois été contestée qu’en 2007, soit 15 ans après l’obtention en 1992 par la société NEGMA d’une AMM pour commercialiser un produit correspondant à celui breveté (revendication 14) ; que par ailleurs le fait que la société NEGMA ait obtenu en 2008 une AMM pour un ‘auto générique’ de ce produit ne saurait constituer une preuve de la connaissance d’une fragilité du titre exploité, alors qu’il apparaît relever d’une stratégie des ‘génériqueurs’ quatre ans avant l’expiration du titre, la société MYLAN ayant elle-même obtenu la même année (comme la société BIOGARAN) des AMM pour des spécialités génériqes ; que même si la société NEGMA a ensuite vainement saisi le Conseil d’État, en suspension et en annulation des autorisations délivrées, arguant notamment d’une erreur d’appréciation quant à la qualité de la substance active utilisée, la société MYLAN ne démontre pas avoir ainsi subi de préjudice alors que la demande de suspension a été rejetée le 12 décembre 2008 seulement quelques jours après qu’elle ait indiqué (le 27 novembre 2008) ne pas disposer de date de commercialisation, faute notamment de la fixation du prix de sa spécialité, et qu’elle ne conteste pas que le recours pour excès de pouvoir n’était pas suspensif ;
Considérant que, certes, la société MYLAN a personnellement choisi, dans ces circonstances, de ne pas prendre le risque de commercialiser, avant l’annulation du brevet, sa propre spécialité, d’autant que la société BIOGARAN faisait l’objet d’une mesure d’interdiction provisoire de commercialiser son produit qu’elle ne saurait cependant imputer à faute ce choix à la société NEGMA, laquelle s’est contente de lui rappeler l’existence de ses droits à une époque où le brevet n’était pas encore annulé ;
- Sur les demandes de SYNTECO
Considérant que la société SYNTECO, qui a contesté la validité du brevet antérieurement à l’action en interdiction de commercialisation intentée par la société NEGMA à l’encontre de la société BIOGARAN sur le fondement de la revendication de produit (revendication 14), soutient que, si elle n’a personnellement pas fait l’objet d’une mesure d’interdiction, elle en serait une victime par ricochet pour avoir subi un préjudice ‘réfléchi’ ; qu’elle fait valoir que du fait du comportement de la société NEGMA elle n’aurait pu fournir en France le principe actif à ses clients, savoir la société MYLAN, qui n’a pas commercialisé le générique jusqu’à l’annulation du brevet, et la société BIOGARAN, qui aurait cessé sa commercialisation jusqu’à la levée de l’interdiction ; qu’elle invoque une responsabilité pour risque ou sans faute, et une responsabilité pour faute ;
La Cour rappelle le jugement du 27 juin 2012, l’action en responsabilité de BIOGARAN, affaire qui a donné lieu à une demande de QPC .
Considérant, toutefois, que si l’exécution d’une décision de justice est poursuivie aux risques du créancier, sans qu’il y ait lieu de subordonner le droit à réparation à la démonstration d’une faute dans l’exécution, et si l’exécution en cause concerne une mesure provisoire en matière de brevet, l’ordonnance de référé qui a prononcé l’interdiction et le retrait du produit incriminé n’a, en tout état de cause, été signifiée qu’à la partie poursuivie et condamnée, savoir la société BIOGARAN, tenue de l’exécuter ; qu’il ne saurait être admis qu’un tiers, se prétendant victime par ricochet de cette exécution, serait recevable à agir sur le fondement de textes destinés à permettre de rétablir le débiteur de l’exécution, ou la partie poursuivie, dans ses droits (savoir en l’espèce la société BIOGARAN attraite par la société NEGMA aux fins d’empêcher la poursuite d’actes argués de contrefaçon d’une revendication de produit) et non toute personne pouvant être affectée par la mesure provisoire ordonnée ; qu’il sera ajouté que si en appel, devant la cour de Colmar qui a infirmé l’ordonnance, la société SYNTECO a cru devoir soutenir la société poursuivie, cette intervention ne saurait lui conférer la qualité de débiteur ou de personne poursuivie alors même qu’il a alors été relevé que son intervention <<n’était pas indispensable en cause d’appel>> ; qu’en réalité les mesures provisoires ne visant pas le fournisseur du principe actif (SYNTECO), mais uniquement un des fabricants de produits génériques (BIOGARAN) c’est seulement à l’égard de ce dernier que la société NEGMA (créancière poursuivante) a pu prendre un risque ; qu’il en résulte que c’est avec pertinence que les premiers juges ont exclu la possibilité d’indemniser le préjudice invoqué par la société SYNTECO du seul fait de l’exécution poursuivie à l’encontre de la SYNTECO du seul fait de l’exécution poursuivie à l’encontre de la société BIOGARAN, qui, à la différence d’autres ‘génériqueurs’ avait décidé de commercialiser des génériques sans attendre qu’il soit statué sur la protection du produit reproduit.