Les entreprises établissent souvent un accord de confidentialité comme préalable à leurs échanges techniques. Comment combiner accord de confidentialité et dépôts de brevets ? La question peut être lourde de conséquence quand l’accord prévoit une clause pénale.
L’arrêt rendu par la Cour de cassation, le 12 juin 2013, intervient sur un pourvoi contre un arrêt de la Cour de Paris qui avait été saisie d’un recours contre une sentence arbitrale.
- Les faits tels que l’arrêt et le pourvoi les présentent.
Victocor technologies est une société dont le siège social est en Belgique.
Benteler automobiltechnik est une société allemande.
22 octobre 2004 : accord de confidentialité entre ces deux sociétés. Par cet accord, « elles se sont engagées à ne pas divulguer les informations échangées et à reconnaître mutuellement leurs droits de propriété intellectuelle ». Une clause compromissoire est prévue
1er litige
Benteler automobiltechnik dépose des demandes de brevets en Allemagne, en France et aux Etats-Unis (famille de brevets D1),
Victocor technologies introduit une procédure d’arbitrage.
8 juillet 2008 : sentence arbitrale : Benteler automobiltechnik est condamnée à payer « une certaine somme ».
2ème litige
Victocor technologies met en œuvre une seconde fois la procédure arbitrale à propos de brevets déposés en 2005 (famille de brevets D2 et D4) en Allemagne, aux Etats-Unis et en France.
3 septembre 2010 : le tribunal arbitral dit que « Benteler automobiltechnik avait commis des violations de l’article 2 de l’accord, mais qu’à défaut de démonstration d’un préjudice, la société Victocor technologies était mal fondée en ses demandes de compensations financières »
Recours en annulation de Victocor technologies devant la Cour de Paris.
1er décembre 2011 : la Cour d’appel « a annulé la sentence en ce qu’elle a dit que le retrait de la demande déposée aux Etats-Unis de la famille de brevets D4 constituait un manquement contractuel de la société Benteler automobiltechnik et a rejeté le recours pour le surplus »
Pourvoi en cassation de Victocor technologies.
- La Cour de cassation rejette le pourvoi :
Attendu que la société Victocor technologies fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande d’annulation partielle de la sentence arbitrale ;
Attendu, d’abord, qu’après avoir constaté qu’il résultait des écritures prises devant le tribunal arbitral ainsi que du compte-rendu des débats, qu’à titre principal, la société Benteler automobiltechnik avait allégué que l’article 3.6 de l’accord de confidentialité ne s’appliquait qu’aux obligations de confidentialité et non aux droits de propriété intellectuelle, et que ce n’était que dans l’hypothèse où l’interprétation de la société Victocor technologies l’emporterait qu’elle acceptait de se placer sur le même fondement pour étayer sa demande reconventionnelle, la cour d’appel, qui a répondu aux conclusions sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu estimer qu’il n’existait aucune interprétation convergente des parties de nature à lier le tribunal arbitral ;
Attendu, ensuite, qu’ayant retenu que le tribunal arbitral avait estimé que la clause pénale invoquée par la société Victocor trechnologies n’était pas applicable aux atteintes aux droits de propriété intellectuels prohibées par l’article 2 du contrat et que celle-ci ne démontrait pas avoir subi de préjudice résultant des violations, la cour d’appel a, hors de toute dénaturation, relevé exactement que les arbitres avaient retenu qu’il n’y avait pas de fondement alternatif à la condamnation sollicitée par la société Victocor technologies ;
Et attendu qu’en constatant que le tribunal arbitral avait retenu que les dépôts des demandes de brevets (famille D2 et D4) ne comportaient aucune information confidentielle, le savoir-faire incorporé dans ces demandes figurant déjà dans l’état de la technique, tel qu’il résultait notamment d’un brevet russe précédemment publié, que la société Victocor technologies n’établissait pas de préjudice, que l’office allemand des brevets n’avait pas eu connaissance de l’antériorité russe, laquelle avait une incidence substantielle sur la valeur des brevets, la cour d’appel en a exactement déduit, sans encourir les griefs du moyen, que le tribunal arbitral ne s’était pas prononcé à titre principal sur la validité des brevets et n’avait ni méconnu sa mission, ni le principe de la contradiction, ni l’ordre public international ;
La lecture du pourvoi renseigne sur la demande financière de Victocor technologies :
que VICTOCOR, dans sa requête d’arbitrage, dans ses conclusions suivantes et au cours de l’audience a demandé au tribunal arbitral de reconnaître que BENTELER avait violé l’Accord en déposant, publiant et retirant ses demandes de brevets et en divulguant des informations confidentielles à des tiers ; qu’elle a réclamé initialement des dommages-intérêts évalués à 2.700,001 euros, portés en cours d’instance à 5.250.001 euros, correspondant à 35 violations alléguées de l’Accord d’un montant de 150.000 euros chacune, outre un euro de provision au titre des dommages-intérêts provisionnels pour faute lourde ou dol