Le régime des brevets connaît des règles spécifiques en matière de prescription de l’action en revendication du titre.
L’article L 611 – 8 du Code de la propriété intellectuelle prévoit sauf cas de mauvaise foi, une prescription par trois ans « à compter de la publication de la délivrance du titre de propriété industrielle ».
Comment appliquer cette règle quand sur la demande du brevet français de base un brevet européen visant la France est également délivré ?
L’arrêt du 7 janvier 2014 de la Cour de cassation donne une réponse. l’arrêt est ici.
2 juin 2000 : publication de la délivrance du brevet français.
3 juillet 2002 : publication de la délivrance du brevet européen. (Cette date est celle indiquée au moyen du pourvoi).
17 novembre 2004 : assignations en revendication du brevet français et du brevet européen.
11 septembre 2012 : la Cour d’appel de Colmar dit prescrite l’action.
7 janvier 2014 : cassation de l’arrêt d’appel
Vu les articles L. 611-8 et L. 614-13 du code de la propriété intellectuelle, ensemble les articles 2 et 64 de la convention de Munich sur le brevet européen ;
Attendu que pour déclarer prescrite l’action en revendication du brevet européen n° EP 0 952 293, l’arrêt retient que le délai pour agir avait commencé à courir à compter du jour de la délivrance du brevet français ;
Attendu qu’en statuant ainsi, alors que le brevet européen, en ce qu’il désigne la France, s’étant substitué totalement au brevet français à compter du 3 avril 2003, soit antérieurement à l’introduction de l’action en revendication, le délai de prescription triennale pour agir en revendication du titre européen n’a commencé à courir qu’à compter du 3 juillet 2002, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 11 septembre 2012, entre les parties, par la cour d’appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris ;
L’action en revendication a été faite après la substitution – ici 9 mois après la délivrance du brevet EP. Donc l’action en revendication ne peut se faire que pour le brevet européen, puisque le brevet français n’a plus d’effet. Le raisonnement se comprend.
Mais il peut y avoir de nombreux cas où l’action en revendication aura lieu avant la substitution… Est-ce à dire qu’on pourra imaginer une action prescrite pour le brevet français, mais qui pourrait ne pas l’être pour le brevet ou la demande de brevet européen ?
Autrement dit, le demandeur à l’action en revendication serait prescrite pour le brevet français mais acceptable pour la demande de brevet européen….quid de l’article L614-14 si l’action au fond pour la demande de brevet prospère et que le brevet EP est délivré ?
Je suppose que la cours de cassation attend avec impatience d’étoffer sa jurisprudence sur cet intéressant sujet!