Généralement les brevets européens sont réputés de bonne qualité compte tenu de l’examen auquel cet office procède. L’arrêt de la Cour de Paris du 21 mars 2014 montre qu’il n’en est pas toujours ainsi, la partie française d’un brevet européen est annulée pour insuffisance de description.
A …….. est titulaire d’un brevet européen EP 1.403.608, déposé le 29 septembre 2003, sous priorité du brevet français FR 0211986 en date du 27 septembre 2002, et délivré le 2 avril 2008. Il porte sur un dispositif de climatisation.
26 octobre 2009 : saisie-contrefaçon à la demande de A…….. dans les locaux d’un revendeur d’un matériel de la société AT……
18 novembre 2009 : A…….. assigne AT…… en contrefaçon de son brevet (D’autres griefs sont invoqués mais non abordés à ce post )
2 mars 2012 : le Tribunal de Grande Instance de Paris annule différentes revendications.
La Cour confirme le jugement sur la nullité de la revendication 1ère (L’annulation des autres revendications sera confirmée, mais par une substitution de motifs).
*Sur l’insuffisance de description
Considérant qu’aux termes de l’article 138-1-b) de la CBE, le brevet européen peut être déclaré nul par les tribunaux d’un État contractant s’il n’expose pas l’invention de façon suffisamment claire et complète pour qu’un homme du métier puisse l’exécuter ;
Qu’ainsi, l’invention doit être mise en œuvre au prix d’un effort raisonnable par l’homme du métier, et compte tenu également de ses connaissances générales ;
Qu’en l’espèce les parties s’accordent à considérer que l’homme du métier est un spécialiste de la conception des dispositifs de climatisation et de chauffage ;
Qu’il est constant que l’objet du brevet porte sur les moyens d’obtenir au sein du réservoir un « flux tourbillonnant et perturbé » afin de favoriser les échanges thermiques entre les premier et second fluides, et que la revendication 1 indique dans sa partie caractérisante que « le réservoir (a) un diamètre adapté pour obtenir un phénomène d’agitation satisfaisant » ;
Or la description ne donne aucune information ni aucun indice qui permettrait à l’homme du métier de savoir ce qu’est un diamètre « adapté » pour obtenir un phénomène d’agitation « satisfaisant » tel que revendiqué ;
Que le brevet ne mentionne aucune dimension du réservoir, ce qui obligera l’homme du métier, ainsi que l’ont relevé les premiers juges à observer l’effet du diamètre du réservoir sur le flux à partir d’expériences avec des réservoirs ayant des diamètres différents, le terme « adapté » étant particulièrement vague et imprécis pour permettre à l’homme du métier de savoir quelle réalité technique il recouvre ;
Que la description ne mentionne pas plus le débit ni la forme de l’orifice d’éjection ni l’agencement de l’orifice d’éjection par rapport au réservoir alors que si les termes « flux tourbillonnant » et « perturbé » peuvent avoir une signification en langue française, ces notions, appliquées au domaine considéré, ne font pas partie des références techniques de l’homme du métier, étant précisé que le brevet ne renseigne pas plus sur les notions de flux – laminaires, transitoires et/ou turbulents – qui sont pourtant connues et quantifiables ;
Que la société AT….. indique à juste titre que les termes employés ne permettent donc pas à l’homme du métier de reproduire l’invention et que la société A….. ne peut affirmer que par des essais de routine, ce dernier déterminerait rapidement et simplement le rapport optimum à observer entre le diamètre du réservoir et la taille de l’hélice pour aboutir au meilleur rendement dès lors qu’il n’est pas démontré qu’il aurait eu cette connaissance ;
Que, par ailleurs, le terme satisfaisant ne donne aucune indication technique pour réaliser l’invention alors que cette caractéristique, présentée comme essentielle par le brevet, a pour but de faciliter les échanges thermiques par un phénomène d’agitation ; que la description ne fournit pas plus de fourchette de valeur ou d’exemples permettant de déterminer à partir de quelle valeur, le phénomène d’agitation serait satisfaisant de sorte que l’homme du métier ne peut donc pas plus déterminer la portée du brevet ;
Considérant, en définitive, que le fait que l’homme du métier comprenne, avec ses connaissances, que le réservoir est circulaire, le brevet ne le renseigne en rien sur la taille du diamètre pour qu’il soit adapté afin obtenir un phénomène d’agitation satisfaisant, et rien n’indique a priori la direction du flux dans le réservoir ;
Qu’enfin la société A…….. ne peut déduire des figures 1 à 3 du brevet un rapport entre la hauteur et le diamètre du réservoir et donc la taille de celui-ci dès lors que les schémas ne sont pas cotés et qu’aucun exemple de réalisation ne suggère un quelconque ordre de grandeur ;
Considérant que le brevet EP n°1403608 est donc insuffisamment décrit au sens de l’article 138 (1) b) de la CBE et c’est donc à juste titre que le Tribunal a annulé la revendication 1 pour ce motif ;
Que le jugement sera donc confirmé de ce chef sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de nullité de la revendication 1 qui sont surabondants ;