Lors du procès en contrefaçon, la saisie-contrefaçon suscite un important contentieux, le rôle de l’avocat lors de la rédaction et de la présentation de l’ordonnance préalable est donc au cœur du dispositif. Telle serait la solution indiquée par l’arrêt de la Cour de Paris du 25 juin 2014.
Cet arrêt est important car il infirme le jugement qui avait annulé trois ensembles documentaires de l’huissier établis lors des opérations de saisie-contrefaçon. (Le 1er motif d’annulation, non repris ici, portait sur le défaut de signature par l’huissier de certains actes).
« Considérant que les premiers juges ont prononcé la nullité des procès-verbaux de signification de requête et d’ordonnance du 04 novembre 2008 (pièce n° 16 du dossier de la SAS C&K COMPONENTS), de saisie-contrefaçon du 04 novembre 2008 (pièce n° 17) et de signification des photographies prises dans ce cadre de cette procédure du 06 novembre 2008 (pièce n° 20) au motif que ces actes n’étaient pas signés par l’huissier de justice mais ont en revanche validé les exemplaires de ces mêmes actes (pièces n° 16bis, 17bis et 20 bis) signés par l’huissier ; »
Sur la demande de l’huissier adressée à l’employé du saisi de lui remettre différents échantillons et documents
- L’argument du saisi
Considérant que la société DDM HOPT SCHULER GmbH & Co KG conclut également à la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon au motif que l’huissier saisissant aurait outrepassé ses pouvoirs en demandant à l’employé présent de lui remettre immédiatement trois échantillons du produit argué de contrefaçon, en lui ordonnant de faire transmettre immédiatement par courriel la notice des spécifications techniques du produit allégué de contrefaçon et en lui posant plusieurs questions, ce qui constitue selon elle une nullité de fond ; qu’au surplus le document dont l’huissier a ordonné la communication au saisi était situé au siège de la société en Allemagne, donc en dehors du ressort de compétence territoriale de l’huissier et qu’en vertu du principe d’interdiction de l’auto-incrimination, l’huissier ne pouvait ordonner au saisi de lui transmettre un document qui ne se trouvait pas sur les lieux de la saisie pour établir les preuves de contrefaçon ;
- La décision
Considérant ceci exposé, que l’ordonnance du 03 novembre 2008 autorisait l’huissier instrumentaire ‘à poser toutes questions et/ou à faire toutes recherches et constatations utiles afin de découvrir et d’établir la preuve de l’origine, de la consistance et de l’étendue de la contrefaçon alléguée consigner les déclarations des répondants et toutes paroles prononcées au cours des opérations, mais en s’abstenant de toute interpellation autre que celles nécessaires à l’accomplissement de sa mission’, qu’elle autorisait également l’huissier à procéder à des prélèvements d’échantillons des produits argués de contrefaçon et des produits incorporant ceux-ci ;
Considérant que l’ordonnance autorisait encore l’huissier à reproduire tous documents ‘se rapportant à l’origine, à la consistance et/ou à l’étendue de la contrefaçon alléguée’, quel qu’en soit le support ; qu’enfin au cas où certains de ces documents ou informations devaient ne pas se trouver dans le lieu où s’effectuera la saisie, l’ordonnance autorisait l’huissier à ‘ordonner au saisi de les faire transmettre au lieu de la saisie, éventuellement par télécopie ou courrier électronique, ou de les lui adresser à son Étude postérieurement’ ;
Considérant qu’il s’ensuit que l’huissier instrumentaire n’a pas, lors des opérations de saisie-contrefaçon du 04 novembre 2008, outrepassé les termes de sa mission en questionnant le saisi sur l’origine et la distribution en France du produit argué de contrefaçon ; qu’il n’a pas davantage outrepassé les termes de sa mission ni agi hors de son ressort de compétence territoriale en demandant au saisi de lui transmettre la notice des spécifications techniques du produit argué de contrefaçon ;
Sur le déroulement en différents temps de la saisie-contrefaçon
- L’argument de saisi
Considérant que la société DDM HOPT SCHULER GmbH & Co KG conclut par ailleurs à la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a annulé le procès-verbal de constat de réception de pièces (pièce n° 18) en faisant valoir que les opérations de saisie-contrefaçon se sont terminées le 04 novembre 2008 à 19 h. et que dès lors le procès-verbal de constat de réception de pièces établi le 04 novembre 2008 à 20 h. 20 est nul dans la mesure où les effets de l’ordonnance autorisant la saisie-contrefaçon étaient épuisés ;
- la position de la Cour
Considérant que la SAS C&K COMPONENTS réplique que l’article 11 de l’ordonnance autorisait l’huissier saisissant à ordonner au saisi de lui transmettre par courrier électronique les documents ou informations visés aux paragraphes 8, 9 et 10 et qui ne se trouveraient pas dans le lieu où s’effectuera la saisie ; qu’ainsi après avoir procédé à la clôture des opérations de saisie sur place, l’huissier pouvait compléter son procès-verbal en établissant un procès-verbal de constat de réception d’un document une fois de retour à son étude ; qu’elle conclut à l’infirmation du jugement entrepris qui a annulé ce procès-verbal (pièce n° 18) et la traduction en français des documents transmis (pièce n° 18bis) ;
Considérant ceci exposé, que le paragraphe 11 de l’ordonnance du 03 novembre 2008 autorisait l’huissier instrumentaire, ainsi que rappelé ci-dessus, à se faire transmettre par le saisi les documents ou informations ne se trouvant pas sur le lieu où doit s’effectuer la saisie, ‘éventuellement par télécopie ou courrier électronique, ou de les lui adresser à son Étude postérieurement’ ; qu’il s’ensuit que dans cette hypothèse l’huissier instrumentaire pouvait licitement dresser un procès-verbal de constat de réception de ces documents par courrier électronique, même postérieurement aux opérations de saisie-contrefaçon ;
Considérant dès lors que le procès-verbal de réception de courrier électronique dressé le 04 novembre 2008 à 20 h 20 (pièce 18) est valable, que le jugement entrepris sera donc partiellement infirmé en ce qu’il a prononcé la nullité de ce procès-verbal et de la traduction de ces documents (pièce 18bis), la société DDM HOPT SCHULER GmbH & Co KG étant déboutée de sa demande en annulation de ces pièces ;
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