L’arrêt du 19 décembre de la Cour de Paris confirme le jugement du Tribunal de grande instance de Paris qui a rejeté une demande en contrefaçon par équivalence.La société Newmat est titulaire du brevet européen EP 1 180 186 visant la France et qui a été limité après délivrance. Dans sa version publiée le 14 janvier 2009, sa revendication n°1 est rédigée comme suit :
« matériau (1) polymère en feuille souple, d’épaisseur inférieure à un demi millimètre, pour la réalisation de structure tendues telles que notamment des faux plafonds, caractérisé en ce qu’il comporte des micro-reliefs s’étendant sur une hauteur (4) de quelques microns à 100 microns, micro-reliefs (2) formés par repoussage de la matière constitutive du matériau (1) qui présente ainsi un coefficient d’absorption acoustique plus élevé que le même matériau dépourvu des dits reliefs, les micro-reliefs étant obtenus par étape d’aiguilletage, repoussant localement la matière constitutive de la feuille, selon un motif prédéterminé, jusqu’à sa micro perforation, l’étape d’aiguilletage étant conduite alors que la feuille de matériau est placée sous une tension de l’ordre de celle de son utilisation finale dans une structure tendue. »
Newmat engage une action en contrefaçon contre la société Clipso Productions. Ne sont cités ci-après que quelques passages sur la contrefaçon alléguée et qui est finalement rejetée.
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L’argumentation de Newmat sur la contrefaçon par équivalence
Elle poursuit en indiquant concernant la contrefaçon par équivalence que la fonction d’aiguilletage dans le brevet est nouvelle et qu’elle est réalisée dans le produit Acoustic par un moyen équivalent, l’ouverture d’interstices, allié aux autres caractéristiques : feuille souple d’épaisseur inférieure à un demi-millimètre, permettant de réaliser des plafonds tendus selon une densité entre 2 et 60 par centimètre carré créant une amélioration de l’absorption acoustique.
Elle précise à ce titre que dans une invention de combinaison comme en l’espèce, la doctrine des équivalents doit recevoir application sans qu’il soit exigé que la fonction remplie par le moyen revendiqué et par le moyen argué de contrefaçon soit nouvelle, pour autant que ce dernier remplisse dans la combinaison, la même fonction que le moyen revendiqué et qu’en l’espèce la contrefaçon quel que soit le moyen pour provoquer les micro-perforations sur une feuille souple avec les autres caractéristiques : épaisseur inférieure à un demi millimètre, plafond tendu avec une certaine déformation élastique, selon un certaine densité, amélioration de l’absorption phonique, est équivalente assure la même fonction.
Elle souligne que c’est bien le terme de micro-perforations qui est employée à de nombreuses reprises par la société Clipso dans sa documentation pour présenter ses produits acoustiques, avec la même densité.
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Ce que dit la Cour pour rejeter la contrefaçon littérale et la contrefaçon par équivalence
(Après un rappel de la revendication 1ère) « …..les micro-perforations couvertes par le brevet ont été provoquées par repoussage du matériau polymère sous forme de feuille souple, selon un motif prédéterminé.
Les micro-reliefs apparaissent essentiels dès lors que selon la revendication 1 il est indiqué dans la partie caractérisante que ‘le coefficient d’absorption acoustique est plus élevé que le même matériau dépourvu des dits reliefs’. Ces micro-reliefs ont faible hauteur qui est inférieure à trois fois l’épaisseur de la feuille et qui s’étendent de quelques microns à 100 microns.
Or, le produit Clipso est un produit tissé qui ne peut présenter, comme le souligne la société Clipso de surface de référence suffisamment plane pour permettre la réalisation de saillies. Il ne présente aucun micro-reliefs en saillie.
Dans la description du brevet seul l’aiguilletage est mentionné pour le repoussage formant les micro-reliefs. Or, la société Newmat ne démontre pas que la société Clipso utilise cette technique.
S’ il est exact qu’il convient d’examiner le produit argué de contrefaçon en regard des caractéristiques de l’invention et non avec un autre produit comme le fait le rapport d’études, il convient toutefois de relever qu’il ressort de ce rapport d’études que le produit de la société Clipso comporte des interstices, et non des micro-perforations qui ne résultent donc pas de la même méthode d’obtention et que ces interstices sont répartis de façon aléatoire lors de l’enduisage de la toile alors que selon l’invention les micro-perforations le sont selon un motif prédéterminé.
De plus il en résulte, que le produit Clipso est composé d’un tricot indémaillable et la société Newmat n’apporte aucun élément technique probant contraire à ces éléments. La norme NF EN 14716 relative au plafond tendu fait d’ailleurs la distinction entre d’une part une feuille et d’autre part une étoffe, et il est sans incidence que cette norme soit postérieure à la demande de brevet.
Il en ressort que le produit Clipso ne contrefait de façon littérale pas les caractéristiques essentielles de la revendication 1 du brevet opposé.
Concernant la contrefaçon par équivalence invoquée, l’absorption acoustique n’est pas nouvelle et faisait partie de l’état de la technique comme le mentionne le brevet dans sa Description (page 2-30), tout comme les plafonds tendus à base d’un matériau polymère qui ne font d’ailleurs pas partie des caractéristiques de la revendication 1.
De plus les moyens du brevet : micro-reliefs obtenus par repoussage du matériau, selon un motif prédéterminé jusqu’à micro-perforation, sont différents de ceux employés par le produit Clipso dont les interstices ne sont pas obtenus selon les mêmes modes opératoires.
Par ailleurs, comme le relève la société Clipso, le tissu par la suite enduit, légèrement étirable, composant son matériau diffère du polymère en feuille souple de l’invention.
Il n’y a donc pas équivalence des moyens essentiels de l’invention de combinaison de moyens pour obtenir une fonction déjà connue de sorte que la société Newmat est infondée en ses demandes à ce titre.