Dans quel délai l’agriculteur doit-il payer la compensation ou rémunération équitable à l’obtenteur pour le réensemencement sur sa propre exploitation ?
L’arrêt de la Cour de Justice du 25 juin 2015 est rendu sur une question préjudicielle. L’arrêt est ici.
Pour mémoire, l’article 14 du règlement n° 2100/94 du Conseil, du 27 juillet 1994, instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales, prévoit: «1. Nonobstant l’article 13, paragraphe 2, et afin de sauvegarder la production agricole, les agriculteurs sont autorisés à utiliser, à des fins de multiplication en plein air dans leur propre exploitation, le produit de la récolte obtenu par la mise en culture, dans leur propre exploitation, de matériel de multiplication d’une variété bénéficiant d’une protection communautaire des obtentions végétales autre qu’une variété hybride ou synthétique. »
- L’enjeu : si la rémunération équitable était enfermée dans un délai, l’agriculteur qui ne l’aurait pas acquittée, serait-il placé dans la situation d’un contrefacteur ?
28 En effet, en premier lieu, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 39 de ses conclusions, permettre à un agriculteur qui a utilisé du matériel de multiplication d’une variété végétale protégée obtenu par la mise en culture (semences de ferme) de s’acquitter, sans aucune limite de temps, de l’obligation de paiement de la rémunération équitable dérogatoire et, partant, de se prévaloir indéfiniment de la dérogation visée à l’article 14 du règlement nº 2100/94 priverait d’effet utile les actions en justice prévues à l’article 94 de ce règlement. En outre, en instaurant ces actions contre tout contrefacteur qui n’aurait pas satisfait à cette obligation de paiement, cet article 94 s’oppose à ce que ce dernier puisse toujours régulariser sa situation, même après la découverte par le titulaire de la protection d’une utilisation dissimulée de la variété végétale protégée. Il s’ensuit que seule l’existence d’un délai de paiement est de nature à garantir un exercice effectif desdites actions.
29 En second lieu, il convient de rappeler que les titulaires de la protection d’obtentions végétales sont les seuls responsables du contrôle et de la surveillance de l’utilisation des variétés protégées dans le cadre de la mise en culture autorisée, et qu’ils sont dès lors tributaires de la bonne foi et de la coopération des agriculteurs concernés (arrêt Geistbeck, C 509/10, EU:C:2012:416, point 42). Ainsi, l’absence de délai déterminé de manière précise, auquel seraient soumis les agriculteurs pour s’acquitter de l’obligation de paiement de la rémunération équitable dérogatoire risque d’encourager ces derniers à retarder indéfiniment ce paiement dans l’espoir d’y échapper. Or, le fait de permettre un tel manquement des agriculteurs au respect de leurs propres obligations à l’égard des titulaires serait contraire à l’objectif énoncé à l’article 2 du règlement nº 1768/95 visant à préserver un équilibre raisonnable entre les intérêts légitimes réciproques des agriculteurs et des titulaires concernés.
- Le délai
30 Examinant si un délai de paiement est effectivement prévu par les dispositions pertinentes, il importe de relever qu’il ressort de l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 1768/95 que la campagne de commercialisation au cours de laquelle le paiement de la rémunération serait dû commence le 1er juillet et finit le 30 juin de l’année civile suivante. Bien que cette disposition porte sur la détermination des surfaces consacrées à la culture d’espèces végétales des petits agriculteurs, elle manifeste que la campagne de commercialisation au cours de laquelle a été utilisé le matériel de multiplication d’une variété végétale protégée obtenu par la mise en culture (semences de ferme) a été perçue par l’institution auteur de ce règlement, lors de la détermination des modalités d’application de l’article 14, paragraphe 3, du règlement nº 2100/94, comme étant le délai pertinent durant lequel doit être versée la rémunération équitable dérogatoire.
31 Ainsi, à défaut d’avoir procédé au paiement de la rémunération équitable dérogatoire dans un délai expirant à la fin de la campagne de commercialisation pendant laquelle a eu lieu l’utilisation du matériel de multiplication d’une variété végétale protégée obtenu par la mise en culture, sans avoir conclu pour cela un contrat avec le titulaire de la protection, un agriculteur doit être considéré comme accomplissant, sans y avoir été autorisé, un des actes visés à l’article 13, paragraphe 2, du règlement nº 2100/94, ce qui permet au titulaire d’intenter les actions prévues à l’article 94 de ce règlement.
- Le droit dit par la Cour de justice sur cette question préjudicielle posée par le Landgericht de Mannheim
Pour pouvoir bénéficier de la dérogation, prévue à l’article 14 du règlement (CE) nº 2100/94 du Conseil, du 27 juillet 1994, instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales, à l’obligation d’obtenir l’autorisation du titulaire de la protection de l’obtention végétale concernée, un agriculteur, qui a utilisé du matériel de multiplication d’une variété végétale protégée obtenu par la mise en culture (semences de ferme), sans avoir conclu pour cela un contrat avec ce titulaire, est tenu de s’acquitter de la rémunération équitable due, en vertu de cet article 14, paragraphe 3, quatrième tiret, dans un délai expirant à la fin de la campagne de commercialisation au cours de laquelle cette utilisation a eu lieu, c’est-à-dire au plus tard le 30 juin suivant la date de réensemencement.
L’Association des Inventeurs Salariés ( AIS ) a été fondée en 2006 par quelques membres fondateurs, inventeurs méritants . Ses effectifs sont en évolution constante depuis cette date.
Elle est la seule organisation représentative des inventeurs réalisant des inventions dans le cadre de leur contrat salarial en entreprise, d’où leur appellation « Inventeurs salariés », à distinguer des inventeurs indépendants. Cela concerne aussi bien les inventeurs salariés des instances publiques (du type CNRS) que ceux des entreprises privées.
Les inventeurs salariés sont à l’origine de 90% des inventions réalisées en France.
Jean-Florent Campion
Président AIS
Prix Lavet 2008