La QPC, ce blog en avait déjà parlé en 2012 à propos d’un arrêt de la Cour de Paris qui l’avait rejetée.Le 9 septembre 2016, une QPC est une nouvelle fois rejetée par la Cour de Paris. Les deux arrêts de la Cour de Paris suscitent des interrogations quant à la situation de l’INPI dans le procès, et sur l’effectivité réelle de la QPC en matière de droit des brevets. Rappeler que la QPC s’applique à la loi et non aux actes de l’administration, nuancera toutefois le propos.
- Des faits relativement classiques
6 juillet 2007 : dépôt d’un brevet européen, ce brevet sera délivré ;
11 avril 2014 : ORANGE, le titulaire du brevet, assigne FREE et FREEBOX en contrefaçon du brevet;
18 juin 2015 : le Tribunal de grande instance de Paris annule toutes les revendications du brevet;
27 juillet 2015 : appel du jugement;
2 septembre 2015 : l’INPI accepte la demande en limitation du brevet présentée par ORANGE;
6 novembre 2015 : recours de FREE et de FREEBOX contre cette décision de l’INPI;
7 décembre 2015 : FREE et FREEBOX soulèvent devant la Cour de Paris une QPC;
Le 9 septembre 2016, la Cour de Paris rend deux arrêts : l’un sur la QPC pour la rejeter, l’autre pour rejeter le recours.
- L’articulation entre ces deux décisions : la recevabilité de la QPC est conditionnée à la recevabilité du recours
« Que par arrêt séparé de ce jour la cour ayant déclaré irrecevable le recours formé le 6 novembre 2015 par les sociétés FREE SAS et FREEBOX SAS à l’encontre de la décision de l’INPI du 2 septembre 2015 qui a accepté la requête en limitation de la partie française du brevet européen EP 2 044 797, dont est titulaire la société ORANGE, la question prioritaire de constitutionnalité est en conséquence elle-même irrecevable ; »
- Le contenu de la QPC
« Que dans le cadre du présent recours fondé sur l’article L 411-4 du code de la propriété intellectuelle, les requérantes concluent à l’inconstitutionnalité des articles L 613-24, L 613-25 et L614-12 du même code, tout en renvoyant sur ce point la cour à leur mémoire déposé à l’appui de la question prioritaire de constitutionnalité, à l’inconventionnalité de ces dispositions eu égard au droit à un procès équitable garanti par l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce compris le principe d’égalité des armes et le principe du contradictoire, ainsi qu’à la non -conformité des revendications modifiées aux prescriptions des articles L613-24, L613-25, L614-12, R613-45 et L612-6 du code de la propriété intellectuelle soutenant sur ce point que la requête en limitation doit être rejetée par l’INPI, et annulée par la cour dans le cas contraire, lorsque les revendications modifiées ne constituent pas une limitation par rapport aux revendications du brevet ou lorsque les revendications modifiées ne sont pas conformes aux dispositions de l’article L 612-6 du code de la propriété intellectuelle ;qu’ elles ajoutent que la modification des revendications litigieuses ne constitue pas une limitation du brevet par rapport aux revendications antérieures et/ou ne sont pas claires et/ou ne se fondent pas sur la description ; »
- La position du titulaire du brevet bénéficiaire de la décision de l’INPI
« Considérant que la société ORANGE conteste la recevabilité du recours en faisant valoir en substance que les sociétés FREE et FREEBOX n’invoquent que des moyens de nullité de la partie du brevet litigieux et que les moyens d’inconstitutionnalité et d’inconventionnalité des dispositions ayant servi de fondement à la décision de l’INPI n’affectent pas la décision de limitation mais se rapportent exclusivement à la conformité de la procédure de l’action en nullité aux règles du procès équitable »
- La Cour de Paris répond en deux points
L’exclusion des actes de l’INPI du champ de la QPC puisque ces actes sont ceux examinés par le recours contre la décision de limitation de l’office, et l’incise sur la position spécifique de l’INPI dans le procès
« Considérant ceci exposé, que les moyens développés par les requérantes tirés de la contrariété de la procédure de limitation aux principes d’égalité des armes et du contradictoire garantis par l’article 6 de la CEDH, sont identiques à ceux exposés au soutien de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée sur le fondement de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ; que, outre le fait que l’INPI est un établissement public administratif qui ne peut être soumis à l’ensemble des règles garantissant un procès équitable, il a été dit que cette question prioritaire de constitutionnalité fait l’objet d’une procédure distincte, enregistrée sous le n° RG 15/24934, et l’objet d’un arrêt séparé rendu également ce jour ; que les sociétés FREE et FREEBOX ne peuvent donc demander à la cour de trancher une question dont elles demandent au préalable qu’elle soit examinée par le Conseil Constitutionnel ;
Le recours contre la décision de limitation ne peut pas être fondé sur des arguments en nullité du brevet
« Considérant par ailleurs que les moyens développés par les sociétés FREE et FREEBOX au soutien de leur recours en annulation de la décision du directeur général de l’INPI s’analysent en réalité en des moyens de nullité du brevet qui leur est opposé dans le cadre de l’action en contrefaçon dirigée contre elles ; que ces moyens, qui visent à remettre en cause la limitation elle-même, à savoir la conformité aux textes applicables des revendications modifiées, relèvent de la compétence du juge de la validité du brevet, au demeurant saisi en l’espèce, cette compétence s’étendant aux moyens tirés d’une prétendue extension ainsi qu’à ceux tirés d’un manque de clarté des revendications ou de leur absence de support dans la description ; »