En 2016, à l’occasion des débats sur la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, les dispositions du Code de la propriété intellectuelle relatives à la protection accordée par un brevet ont été modifiées dans le but de les limiter. Ce blog en a parlé. Par exemple ici
Le 20 avril 2017, une proposition de loi déposée au Sénat veut poursuivre cette démarche.
- L’explication de l’article 10 de la loi du 8 août 2016
L’article 10 … , tel que rédigé par notre assemblée, a complété l’article L. 613-2-3 en précisant que « La protection conférée par un brevet relatif à une matière biologique dotée, du fait de l’invention, de propriétés déterminées ne s’étend pas aux matières biologiques dotées de ces propriétés déterminées, obtenues indépendamment de la matière biologique brevetée et par procédé essentiellement biologique, ni aux matières biologiques obtenues à partir de ces dernières, par reproduction ou multiplication ».
Cet ajout est essentiel parce qu’il permet de limiter la mise en application du droit exclusif d’exploitation accordé par un brevet.
À titre d’exemple, l’entreprise Monsanto avait déposé une demande de brevet sur un melon résistant naturellement à un virus. En utilisant des méthodes traditionnelles de sélection, ce type de résistance a été introduit dans d’autres melons. Le brevet qui avait été accordé en 2011 par l’Office européen des brevets couvrait ces nouvelles sous-espèces de melon dans lesquelles la résistance avait été introduite.
De plus, grâce à un marqueur génétique qui permet d’identifier la présence de ce trait de résistance, les détenteurs du brevet peuvent facilement l’identifier dans les différents melons au cours des croisements successifs. La présence de ces marqueurs génétiques revendiqués dans le brevet de Monsanto constituait une « présomption de contrefaçon ». En somme c’était à l’agriculteur de prouver que le gène contenu dans le melon cultivé était d’origine naturelle.
Grâce au dispositif introduit par l’article 10 de la même loi, désormais, le melon issu exclusivement de procédés essentiellement biologiques et qui présente la même fonction, c’est-à-dire qui a ce trait de résistance, n’entre plus dans le champ d’application de ce brevet.
- L’objectif visé
Par contre, la découverte d’un mécanisme du vivant existant ne doit pas être privatisée. En effet, la simple description de ce qui est ne peut pas être assimilée à une invention.
Rappelons ici qu’un brevet, au nom de la propriété intellectuelle, confère à celui qui le dépose un droit exclusif de l’exploitation de ce qui est décrit.
Il s’agit ainsi de garantir les droits de la recherche future. On ne peut imposer aux chercheurs de payer les découvertes précédentes avant de poursuivre leurs travaux. Ce serait une forme de péage qui privatiserait non seulement tout le vivant, mais aussi tout acte de recherche. Il ne faut pas faire peser sur les générations futures la cupidité exorbitante de notre époque au prétexte qu’elle a eu le privilège de mettre au point des outils comme les supercalculateurs et les algorithmes.
Nous devons donc affirmer que nul ne peut être propriétaire des constituants génétiques du vivant.
- La critique de l’article 10
…. En effet, s’agissant du chou brocoli, le brevet portait sur une information génétique avec l’identification du lien qui relie un marqueur génétique et une teneur augmentée en glucosinolates aux vertus anti carcinogène. L’information génétique est différente de la matière biologique en tant telle. La matière biologique exprime la fonction décrite. Le brevet qui porte sur une information génétique, par nature immatérielle, voit sa protection s’étendre, encore aujourd’hui, à toute la plante. Il suffit d’isoler et de décrire un caractère de ce chou pour que le brevet s’étende à tous les choux brocolis.
Ainsi, on comprend que la limitation du droit exclusif d’exploitation accordé par un brevet, seulement en ce qui concerne la matière biologique, n’est pas suffisante.
- L’article proposé
Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
Après le premier alinéa de l’article L. 613-2-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La protection définie au premier alinéa du présent article ne s’étend pas aux matières biologiques exclusivement obtenues par des procédés essentiellement biologiques définis au 3° du I de l’article L. 611-19, dans lesquelles l’information génétique est contenue et exerce la fonction indiquée, ni aux produits issus de cette matière biologique. »