2 arrêts ont été rendus aujourd’hui par la CJUE à propos des CCP à multiples principes actifs au regard du règlement (CE) n° 469/2009.
Commençons par l’affaire Medeva, C‑322/10, [ ici ]
Tout d’abord, un bref rappel des faits
- 26 avril 1990 : dépôt par Medeva d’une demande de brevet EP 1666057
Ce brevet porte sur un procédé de fabrication d’un vaccin contre la coqueluche qui combine de deux antigènes en tant que principes actifs, à savoir la pertactine et l’hémagglutinine filamenteuse dans une certaine proportion. Cette indication est importante car elle permet de comprendre la décision.
- Ultérieurement Medeva présente devant l’Office britannique des brevets cinq demandes de CCP.
Ces CCP visent des vaccins couvrant plusieurs pathologies ( l’arrêt précise qu’il s’agit des vaccins DTPa-IPV/HIB couvrant la diphtérie (D), le tétanos (T), la coqueluche (Pa), la poliomyélite (IPV) et/ou la méningite (Haemophilus influenzae, également dénommée «HIB»)
Ces demandes de CCP invoquent des AMM délivrées par les autorités allemandes, françaises et du Royaume-Uni pour les médicaments dénommés Infanrix DTCaP, Infanrix IPV, Infanrix IPV+HIB, Infanrix Quinta, Pediacel et Repevax, chacun de ceux-ci contenant, outre la composition de pertactine et d’hémagglutinine filamenteuse, d’autres principes actifs, dont le nombre est compris entre 8 et 11.
Voilà le cadre :
– le brevet porte sur une composition particulière de deux principes actifs,
– cette composition particulière de ces principes actifs (le vaccin contre la coqueluche) sont combinés avec d’autres principes actifs (d’autres vaccins), ces autres principes actifs ne sont pas visés aux revendications du brevet,
– ces combinaisons de différents vaccins ont fait l’objet de différentes AMM selon les combinaisons utilisées.
La question posée : Medeva peut-elle obtenir des CCP bien que ces autres principes actifs ne soient pas visés aux revendications du brevet. ( Tous les CCP ne posaient pas exactement cette même problématique, mais la CJUE n’est pas entrée dans cette distinction pour sa réponse)
Qui saisit la CJUE ?
Le Patent Office refuse les demandes des CCP, Medeva dépose un recours devant la High Court of Justice qui est rejeté, puis fait appel devant la Court of Appeal, juridiction qui saisit la CJUE de différentes questions préjudicielles.
La réponse donnée par la Cour : Y aurait-il deux poids, deux mesures ?
1) L’article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 6 mai 2009, concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que les services compétents de la propriété industrielle d’un État membre octroient un certificat complémentaire de protection portant sur des principes actifs qui ne sont pas mentionnés dans le libellé des revendications du brevet de base invoqué au soutien d’une telle demande.
2) L’article 3, sous b), du règlement n° 469/2009 doit être interprété en ce sens que, sous réserve que les autres conditions prévues à cet article soient également remplies, il ne s’oppose pas à ce que les services compétents de la propriété industrielle d’un État membre octroient un certificat complémentaire de protection pour une composition de deux principes actifs, correspondant à celle figurant dans le libellé des revendications du brevet de base invoqué, lorsque le médicament dont l’autorisation de mise sur le marché est présentée au soutien de la demande de certificat complémentaire de protection comprend non seulement cette composition des deux principes actifs, mais également d’autres principes actifs.
Il n’y a pas de contradiction entre ces deux points. Il faut retenir que cet arrêt se place sur une combinaison particulière de deux principes actifs que l’arrêt appelle composition.
Le point 1 : il n’est pas possible de délivrer un CCP dont la protection porterait sur plusieurs principes actifs quand ceux-ci ne sont tous pas revendiqués au brevet.
Le point 2 admet qu’un CCP puisse être accordé sur une composition de principes actifs à condition que cette composition soit revendiquée au brevet et même si l’AMM se trouvent plus de principes actifs que ceux visés dans cette composition mais à condition toutefois que cette composition s’y trouve.
A noter aussi que la CJUE veut absolument limiter la protection à la seule composition (combinaison ? ) visée au brevet :
Au point 25 : « Il s’ensuit que l’article 3, sous a), du même règlement s’oppose à la délivrance d’un CCP portant sur des principes actifs qui ne figurent pas dans le libellé des revendications de ce brevet de base ».
Au point 26 : « De la même manière, si un brevet revendique une composition de deux principes actifs, mais ne comporte aucune revendication sur l’un de ces principes actifs considéré individuellement, un CCP ne saurait être délivré sur la base d’un tel brevet pour l’un de ces principes actifs considéré isolément. »
Cette même préoccupation se retrouve aussi pour la définition de la 1ère AMM dans la Communauté :
Au point 40 « ….seule peut être considérée comme première AMM de ce «produit» en tant que médicament, au sens de l’article 3, sous d), de ce même règlement, l’autorisation correspondant au premier médicament mis sur le marché de l’Union comprenant parmi ses principes actifs la composition des deux principes actifs mentionnée dans le libellé des revendications du brevet, à savoir la pertactine et l’hémagglutinine filamenteuse. »