Classiquement il est attendu de la concurrence par les mérites qu’elle aide par son principe à distinguer les pratiques préjudiciables d’exclusion des pratiques concurrentielles saines.
Le brevet et les accords contractuels qu’il génère, seraient-ils toujours des facteurs de progrès de la concurrence ?
L’arrêt du 30 janvier 2020 de la Cour de Justice porte sur les accords amiables susceptibles d’être conclus entre les titulaires des brevets et les fabricants de médicaments génériques mettant en place une double renonciation : celle de la contestation de la validité du brevet et celle de l’action en contrefaçon. L’arrêt
Sont invoqués les articles 101 et 102 TFUE
Après avoir rappelé que la situation litigieuse portant sur la validité du brevet ou sur le caractère contrefaisant des médicaments génériques peut affecter la situation de concurrence potentielle, la Cour pose des conditions à un tel accord.
L’article 101, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens que constitue un accord ayant pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence un accord de règlement amiable d’une procédure juridictionnelle pendante opposant un fabricant de médicaments princeps à un fabricant de médicaments génériques, en situation de concurrence potentielle, au sujet de la validité d’un brevet de procédé de fabrication du principe actif d’un médicament princeps tombé dans le domaine public dont est titulaire le premier fabricant ainsi qu’au sujet du caractère contrefaisant d’une version générique de ce médicament, par lequel ce fabricant de médicaments génériques s’engage à ne pas entrer sur le marché du médicament contenant ce principe actif ainsi qu’à ne pas poursuivre son action en nullité de ce brevet pendant la durée de l’accord en contrepartie de transferts de valeurs en sa faveur par le fabricant de médicaments princeps :
– s’il ressort de l’ensemble des éléments disponibles que le solde positif des transferts de valeurs du fabricant de médicaments princeps au profit du fabricant de médicaments génériques s’explique uniquement par l’intérêt commercial des parties à l’accord à ne pas se livrer une concurrence par les mérites,
– à moins que l’accord de règlement amiable concerné ne soit assorti d’effets proconcurrentiels avérés de nature à faire raisonnablement douter de son caractère suffisamment nocif à l’égard de la concurrence.
La théorie de la renonciation irrationnelle n’est pas pertinente en matière de brevet
L’article 101, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens que la démonstration de l’existence d’effets sensibles potentiels ou réels sur la concurrence d’un accord de règlement amiable, tel que ceux en cause au principal, et, partant, sa qualification de « restriction par effet » ne présuppose pas qu’il soit constaté que, en l’absence de celui-ci, soit le fabricant de médicaments génériques partie à cet accord aurait probablement obtenu gain de cause dans la procédure relative au brevet de procédé en cause, soit les parties audit accord auraient probablement conclu un accord de règlement amiable moins restrictif.
Pour l’appréciation de la position dominante, le marché à prendre en considération doit retenir également les versions génériques même celles qui ne peuvent pas entrer sur le marché avant le terme du brevet mais selon différentes conditions
L’article 102 TFUE doit être interprété en ce sens que, dans une situation dans laquelle un fabricant de médicaments princeps contenant un principe actif tombé dans le domaine public, mais dont le procédé de fabrication est couvert par un brevet de procédé dont la validité est contestée fait obstacle, sur le fondement de celui-ci, à l’entrée sur le marché de versions génériques de ce médicament, il convient de prendre en considération, aux fins de la définition du marché de produits concerné, non seulement la version princeps de ce médicament, mais également les versions génériques de celui-ci, même si celles-ci pourraient ne pas être en mesure d’entrer légalement sur le marché avant l’expiration dudit brevet de procédé, si les fabricants de médicaments génériques concernés sont en mesure de se présenter à brève échéance sur le marché concerné avec une force suffisante pour constituer un contrepoids sérieux au fabricant de médicaments princeps déjà présent sur ce marché, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.
Au regard d’une position dominante, l’effet de ces accords de non-agression est à apprécier globalement et non séparément
L’article 102 TFUE doit être interprété en ce sens que la stratégie d’une entreprise en position dominante, titulaire d’un brevet de procédé pour la production d’un principe actif tombé dans le domaine public, la conduisant à conclure, soit préventivement, soit à la suite de l’introduction de procédures judiciaires remettant en cause la validité dudit brevet, une série d’accords de règlement amiable ayant, à tout le moins, pour effet de maintenir temporairement en dehors du marché des concurrents potentiels fabriquant des médicaments génériques employant ce principe actif, est constitutive d’un abus de position dominante, au sens de cet article, dès lors que ladite stratégie a la capacité de restreindre la concurrence et, en particulier, de produire des effets d’éviction, dépassant les effets anticoncurrentiels propres à chacun des accords de règlement amiable y contribuant, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.