L’arrêt rendu par la Cour de justice le 18 juillet 2013 intervient à propos d’un CCP dont le brevet de base portait sur un procédé et sur le produit en tant que tel, mais dont la législation grecque limitait la portée au moins jusqu’à la date des ADPIC ?
- Brièvement les faits
20 juin 1986 : dépôt en Grèce d’une demande de brevet qui porte :
– tant pour la lévofloxacine hémihydrate prise en tant que telle,
– que pour son procédé de fabrication.
Juin 2006 : expiration du CCP obtenu en vertu du règlement n° 1768/92 sur ce brevet.
Mais dans l’intervalle : Daiichi Sankyo était titulaire de ce CCP et Sanofi‑Aventis sa licenciée distribuait en Grèce le médicament Tavanic.
Septembre 2009 : action de Daiichi Sankyo et Sanofi-Aventis en Grèce contre DEMO qui se préparait à commercialiser un médicament générique ayant comme principe actif la lévofloxacine hémihydrate sous la dénomination Talerin.
Devant la juridiction grecque, se pose la question de la portée du CCP :
– sur un procédé de fabrication du principe actif lévofloxacine hémihydrate,
– ou, aussi, sur ce principe actif en tant que tel.
Selon la juridiction hellénique, cette question était liée à la législation grecque de l’époque au moins jusqu’à l’entrée en vigueur des accord s ADPIC
30 La juridiction de renvoi explique que, en raison de la non-brevetabilité de produits pharmaceutiques en Grèce jusqu’au 7 octobre 1992, le brevet de Daiichi Sankyo, demandé le 20 juin 1986 et délivré le 21 octobre 1986, ne protégeait pas, initialement, le principe actif lévofloxacine hémihydrate pris en tant que tel. Ladite juridiction n’exclut toutefois pas que la brevetabilité de produits pharmaceutiques imposée par l’article 27 de l’accord ADPIC a, au regard des règles énoncées à l’article 70 dudit accord, pour conséquence que les droits de brevet de Daiichi Sankyo s’étendent, depuis l’entrée en vigueur de l’accord ADPIC, audit principe actif. Les juridictions helléniques seraient divisées sur la portée de ces dispositions de l’accord ADPIC.
Autrement dit, à la date où le brevet a été délivré, la loi grecque ne permettait pas la protection du principe actif, mais avec l’entrée en vigueur des ADPIC, cette protection aurait-elle pu être acquise pour l’avenir ou peut-être même pour la période antérieure ?
La Cour va répondre par la négative :
81 Toutefois, qualifier l’invention du produit pharmaceutique lévofloxacine hémihydrate comme étant protégée, en vertu du brevet de Daiichi Sankyo, à la date d’application pour la République hellénique de l’accord ADPIC, alors que cette invention n’était précisément pas protégée en vertu des règles qui régissaient jusque-là ce brevet, ne serait possible que si cet accord était interprété comme obligeant les membres de l’OMC à convertir, à l’occasion et du seul fait de l’entrée en vigueur dudit accord, des inventions revendiquées en inventions protégées. Une telle obligation ne peut cependant pas être déduite de l’accord ADPIC et dépasserait le sens habituel des termes «objets existants».
82 Une lecture conjointe des articles 27 et 70 de l’accord ADPIC ne mène pas à une autre conclusion. Il est vrai, ainsi qu’il ressort de l’examen de la deuxième question posée, que l’article 27 de l’accord ADPIC oblige les membres de l’OMC à prévoir la possibilité d’obtenir un brevet pour des inventions de produits pharmaceutiques. Cette obligation ne saurait toutefois être comprise en ce sens que les membres de l’OMC qui, dans une période située avant la date de l’entrée en vigueur dudit accord, excluaient la protection des inventions de produits pharmaceutiques revendiquées dans des brevets délivrés pour des inventions de procédés de fabrication de tels produits, doivent, à partir de cette date, considérer ces brevets comme couvrant lesdites inventions de produits pharmaceutiques.
83 Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la troisième question qu’un brevet qui est obtenu à la suite d’une demande revendiquant l’invention tant du procédé de fabrication d’un produit pharmaceutique que de ce produit pharmaceutique en tant que tel, mais qui a été délivré uniquement pour ce qui concerne ce procédé de fabrication, ne doit pas, en raison des règles énoncées aux articles 27 et 70 de l’accord ADPIC, être considéré, à partir de l’entrée en vigueur de cet accord, comme couvrant l’invention dudit produit pharmaceutique.