Les débats sur la priorité sont assez fréquents, deviendraient-ils si complexes que les parties doivent s’y reprendre à deux fois ?
La chronologie
Sont en cause deux brevets européens relatifs à des sièges pour enfant
- EP 349
- 6 août 1997 : dépôt de la demande de brevet européen
- 12 janvier 2000 : délivrance du brevet européen
- EP 968
- 14 août 2004 : dépôt de la demande de brevet européen
- 17 octobre 2007 : délivrance du brevet européen
A est licencié de EP 349 et titulaire de EP 968
20 juin 2013 : constat d’achat à l’initiative de A
25 juin 2013 et 1er juillet 2013 : saisie-contrefaçon à la requête de A chez B
24 juillet 2013 : A assigne B en contrefaçon de EP 349 et EP 968
19 mars 2015 : le jugement condamne pour contrefaçon de EP 968 et ordonne la réouverture des débats pour conclure sur l’irrecevabilité des demandes en l’absence de la mise en cause du titulaire de EP 349 ,
7 avril 2016 : le second jugement rejette les demandes en contrefaçon de EP 349.
Pas d’appel sur le second jugement, l’appel ne porte que sur le 1er jugement, c’est l’objet de l’arrêt de la Cour de Paris du 15 novembre 2019.
Sur la demande de nullité du brevet EP 968
B soutient que A a déposé une demande de brevet français antérieure couvrant la même invention que le brevet européen EP968 litigieux, et a fait expirer le délai de priorité en déposant son brevet européen un an et un jour après le dépôt du brevet français, de sorte qu’il constitue au sens de l’article L. 611-11 du code de la propriété intellectuelle une antériorité opposable à la société Dorel et donc destructrice de nouveauté.
A argue que ces différents dépôts ont été réalisés par un conseil en propriété industrielle, que l’objet de l’article L.611-11 du code de la propriété intellectuelle est de protéger les titulaires de demandes de brevet non encore publiées contre des dépôts postérieurs de la part de tiers de sorte que la reconnaissance en l’espèce du brevet français, également déposé par elle, comme étant une antériorité destructrice de nouveauté, serait contraire à l’objectif poursuivi par le législateur.
La cour rappelle qu’en application de l’article L. 611-11 du code de la propriété intellectuelle, une invention est considérée comme nouvelle si elle n’est pas comprise dans l’état de la technique, lequel est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet, en ce compris le contenu de demandes de brevets français, européen ou international désignant la France, qui ont une date de dépôt antérieure et qui n’ont été publiées qu’à une date postérieure.
En l’espèce, A a déposé le brevet EP 968 le 14 août 2004 ainsi qu’il résulte du fascicule du brevet produit (pièce 2 de l’appelante). Il n’est pas contesté qu’il existait une demande antérieure d’un brevet français FR déposée le 13 août 2003 couvrant la même invention, A prétendant qu’elle en est également le déposant sans s’expliquer sur le fait que le certificat de ladite demande versé au débat (pièce B10 de l’intimée) mentionne en qualité de déposant une autre société, la société . En tout état de cause, compte tenu de ce que le droit de priorité revendiqué sur la demande du brevet FR n’a pas été reconnu par l’office européen des brevets, ce qui n’est pas contesté et résulte notamment de son courrier du 12 janvier 2005 (pièce B8), il est avéré que la demande de brevet FR déposée plus d’un an avant le brevet en cause, peu important que sa publication soit postérieure, est comprise dans l’état de la technique de sorte qu’elle constitue une antériorité de toutes pièces du brevet litigieux, qui se voit ainsi privé de nouveauté, laquelle doit être appréciée objectivement sans considération du fait que les déposants de l’antériorité et du brevet revendiqué seraient les mêmes.
Il convient en conséquence de constater la nullité de la partie française du brevet EP 968, de rejeter en conséquence les demandes formées par A sur le fondement de la contrefaçon dudit brevet et d’infirmer le jugement entrepris de ces chefs.