Le 17 octobre 2013, la Cour de justice a rendu un nouvel arrêt à propos des CCP. Un CCP peut-il être obtenu au regard d’une AMM provisoire délivrée selon la procédure d’urgence ?
- Plus précisément au regard des faits de l’affaire, c’est au jour du dépôt de la demande de CPP que l’AMM provisoire n’était plus en vigueur.
17 Sumitomo est titulaire du brevet européen EP 0 376 279, DE 689 06 668 délivré pour l’Allemagne et concernant, notamment, la substance active clothianidine, utilisée pour des produits insecticides.
18 Le 19 février 2003, les autorités du Royaume-Uni ont délivré à une société du groupe Bayer une autorisation de mise sur le marché (ci-après une «AMM»), conformément à l’article 8, paragraphe 1, de la directive 91/414, pour un produit contenant de la clothianidine. Cette AMM, dite «provisoire», était la première délivrée dans l’Union européenne pour un produit contenant cette substance active.
19 Le 2 décembre 2003, les autorités allemandes ont, au titre des dispositions nationales transposant l’article 8, paragraphe 4, de la directive 91/414, délivré à une société du groupe Bayer une AMM d’urgence pour un produit phytopharmaceutique contenant la substance active clothianidine. Cette AMM d’urgence était valable pendant 120 jours, du 15 janvier au 13 mai 2004.
20 Le 14 mai 2004, Sumitomo a demandé au Deutsches Patent- und Markenamt la délivrance d’un certificat complémentaire de protection pour des produits phytopharmaceutiques. Dans sa demande, Sumitomo s’est référée, d’une part, à l’AMM provisoire accordée au Royaume-Uni le 19 février 2003, comme première AMM octroyée dans l’Union et, d’autre part, à l’AMM d’urgence délivrée en Allemagne, le 2 décembre 2003.
21 Le 8 septembre 2004, les autorités allemandes ont, au titre des dispositions nationales transposant l’article 8, paragraphe 1, de la directive 91/414, octroyé une AMM provisoire à une société du groupe Bayer pour un produit à base de clothianidine. La période de validité de cette AMM provisoire s’étendait du 8 septembre 2004 au 7 septembre 2007.
22 Par lettre du 25 novembre 2004, Sumitomo a porté à la connaissance du Deutsches Patent- und Markenamt l’existence de l’AMM provisoire du 8 septembre 2004.
23 Par une décision du 20 janvier 2006, le Deutsches Patent- und Markenamt a rejeté la demande de certificat complémentaire de protection présentée par Sumitomo le 14 mai 2004. Bien que cette demande ait été présentée dans le délai prévu à l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 1610/96, cet office a estimé ne pouvoir y faire droit dans la mesure où, à la date de son dépôt, aucune AMM n’était en cours de validité au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1610/96, l’AMM d’urgence ayant déjà expiré.
- La solution de la Cour
42 ….le certificat complémentaire de protection établit un lien entre le brevet de base et la première AMM d’un produit phytopharmaceutique, celle-ci marquant le moment à partir duquel l’exploitation commerciale de ce produit peut débuter. C’est ainsi que l’obtention de ce certificat requiert la réunion des quatre conditions cumulatives énumérées à l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1610/96. Cette disposition prévoit, en substance, qu’un certificat complémentaire de protection ne peut être délivré que si, à la date de la demande, le produit phytopharmaceutique est protégé par un brevet de base en vigueur et n’a pas déjà fait l’objet d’un certificat. Il faut, en outre, que ce produit ait obtenu une AMM en cours de validité «conformément à l’article 4 de la directive 91/414 ou conformément à une disposition équivalente de droit national», cette AMM étant, enfin, la première du produit en tant que produit phytopharmaceutique (arrêt Hogan Lovells International, précité, point 51).
43 L’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1610/96 exigeant expressément que chacune de ces conditions soit remplie à la date à laquelle est présentée la demande de certificat complémentaire de protection, une demande d’un tel certificat ne peut valablement être présentée qu’à compter du moment où existe une AMM en cours de validité.
44 Cette interprétation est corroborée par les termes de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 1610/96, dont il ressort que le délai de dépôt d’une demande de certificat complémentaire de protection commence à courir à compter de la date à laquelle le produit, en tant que produit phytopharmaceutique, a obtenu l’AMM visée à l’article 3, paragraphe 1, sous b), de ce règlement.
- L arrêt du 17 octobre 2013
Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit:
1) L’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 1610/96 du Parlement européen et du Conseil, du 23 juillet 1996, concernant la création d’un certificat complémentaire de protection pour les produits phytopharmaceutiques, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à la délivrance d’un certificat complémentaire de protection pour un produit phytopharmaceutique disposant d’une autorisation de mise sur le marché d’urgence octroyée sur le fondement de l’article 8, paragraphe 4, de la directive 91/414/CEE du Conseil, du 15 juillet 1991, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, telle que modifiée par la directive 2005/58/CE de la Commission, du 21 septembre 2005.
2) Les articles 3, paragraphe 1, sous b), et 7, paragraphe 1, du règlement n° 1610/96 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce qu’une demande de certificat complémentaire de protection soit présentée avant la date à laquelle le produit phytopharmaceutique a obtenu l’autorisation de mise sur le marché visée à l’article 3, paragraphe 1, sous b), de ce règlement.