Souvent les contrats mettant en œuvre des brevets prévoient que la délivrance d’un titre constitue une condition de paiement d’un prix. Une telle condition serait-elle potestative ?
C’est à cette question que répond l’arrêt de la Cour de cassation du 28 mai 2013.
Cette cassation mérite une grande attention des rédacteurs de contrats.
- Deux articles du code civil sont à rappeler.
Article 1170 : « la condition potestative est celle qui fait dépendre l’exécution de la convention d’un événement qu’il est au pouvoir de l’une ou de l’autre des parties contractantes de faire arriver ou d’empêcher. »
Article 1174 : « Toute obligation est nulle lorsqu’elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s’oblige ».
- Brièvement les faits tels qu’ils peuvent être compris à la lecture de l’arrêt et du pourvoi.
13 octobre 2006 : « contrat de communication d’invention » : « M. X… qui est l’inventeur d’un procédé permettant de réduire la quantité de sel dans le pain et dans les pâtes alimentaires a cédé ses droits d’exploitation de l’invention à la société R’santé ».
Ultérieurement , M. X…. assigne la société R’santé en nullité du contrat. La société R’santé demande reconventionnellement le paiement de dommages-intérêts.
28 octobre 2011 : la Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion déboute M. X.
Pourvoi en cassation de M. X….
- Le pourvoi présente les obligations du contrat qui pèsent sur M.X…. en faveur de la société R’santé :
– lui communiquer de manière irrévocable son invention par la remise de toute la documentation concernant celle-ci et lui transmettre sans délai pendant toute la durée du contrat tout renseignement et détail en sa possession sur les perfectionnements,
– ne divulguer aucune information sur l’invention et ses perfectionnements jusqu’à ce que celle-ci tombe dans le domaine public et prendre toute précaution pour que celle-ci ne soit pas accessible aux tiers,
– renoncer à tout droit d’utilisation directe ou indirecte de l’une quelconque de ces informations ou éléments de l’invention ou des perfectionnements transmis à la défenderesse à quelque fin que ce soit,
– ne déposer dans aucun autre pays une demande de droit de propriété industrielle portant sur l’invention, sa documentation et ses perfectionnements et prêter son concours, effectuer toutes démarches raisonnables, donner au bénéficiaire ou à tout tiers désigné par lui toute signature et document nécessaire pour le dépôt, le maintien en vigueur, les extensions internationales et la défense de tout titre de propriété industrielle portant sur l’invention ou les perfectionnements.
- Et les contreparties de la société R’Santé :
– à lui verser la somme de 200 euros lors de la remise des enveloppes Soleau,
– dans l’hypothèse de la délivrance d’un brevet européen et après cette délivrance, à lui verser la somme de 18.600 euros soit au moyen de la cession de parts sociales de la société R’Santé soit au moyen d’un paiement en numéraire à intervenir dans les 60 jours de la délivrance de ce brevet .
- Ce sont les obligations de la société R’santé qui sont confrontées aux articles 1170 et 1174 du Code civil.
Attendu que pour rejeter la demande d’annulation de l’acte de cession fondée sur le caractère potestatif de la clause subordonnant le paiement du complément de prix à la délivrance d’un brevet européen, l’arrêt retient que celle-ci ne dépend pas de la société R’santé qui, dans son intérêt et celui de M. X… a déposé les demandes de brevet français, européen et international dans des délais normaux ;
Attendu qu’en se déterminant ainsi sans rechercher si, selon les stipulations contractuelles, il ne dépendait pas de la seule volonté de la société R’santé de maintenir ou de retirer la demande de brevet européen, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;
- Mais les obligations contractuelles de M. X … sont aussi examinées par la Cour de cassation au regard d’autres dispositions du code civil. celles-ci relativiseraient-elles la portée de la cassation sur la condition potestative ?
Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour enjoindre à M. X… de répondre aux demandes de documents et signatures en vue de l’obtention de brevets, l’arrêt, après avoir relevé que M. X… devait collaborer à la procédure de délivrance de tous brevets puisque le contrat de cession était valable, retient que le juge est libre de fixer les modalités de réparation et que l’allocation d’une indemnité serait sans effet ;
Attendu qu’en statuant ainsi, alors que la société R’santé ne sollicitait que le paiement de dommages-intérêts en réparation des conséquences dommageables subies, dans le cadre du dépôt d’un brevet aux Etats Unis, en raison du refus de M. X… de signer des documents, la cour d’appel, qui a modifié les termes du litige, a violé les textes susvisés ;