Un arrêt de la Cour de Lyon intervient à propos d’une demande de contrefaçon par équivalence. Cet arrêt confirme le jugement qui a écarté la contrefaçon. La Cour se réfère au degré raisonnable de certitude que les tiers sont en droit d’attendre de la consultation du titre de brevet.
Chomarat Textiles Industries agit à l’encontre de la société Saertex France en contrefaçon du brevet français FR 89 06024.
19 janvier 2012 : le Tribunal de Grande Instance rejette la demande en contrefaçon.
Appel de Chomarat Textiles Industries.
12 septembre 2013 : la Cour de Lyon confirme le jugement.
- Les revendications 1 et 2 du brevet sont citées à l’arrêt :
Le brevet couvre une armature textile utilisable pour la réalisation de matériaux composites et articles en forme comportant une telle armature.
La revendication 1 est ainsi rédigée :
Armature textile utilisable pour la réalisation de matériaux composites constituée par au moins deux couches de renforts textiles disposés de part et d’autre d’une couche centrale donnant l’épaisseur audit matériau, caractérisée en ce que, afin de pouvoir réaliser des articles moulés en forme par moulage à la presse avec injection ou sous vide, la couche centrale donnant l’épaisseur est constituée par une nappe à base de fibres synthétiques, de titre unitaire élevé, ayant reçu préalablement à leur mise sous forme de nappe un traitement leur communiquant une ondulation permanente conduisant à la formation d’une nappe légère, épaisse et aérée, les différentes couches étant liées entre elles par couture/tricotage.
Et la revendication 3 :
Armature textile selon l’une des revendications 1 et 2, caractérisée en ce que la nappe interne est à base de fibres de polyester ayant un titre au moins égal à 30 Dtex, une longueur de coupe comprise entre 40 et 70 M. et Mme, et qui ont reçu préalablement à leur mise sous forme de nappes un traitement de texturation leur communiquant une frisure permanente.
- La contrefaçon serait réalisée par équivalence :
La société Chomarat soutient que la couche centrale faite de fibres ondulées, caractéristique essentielle de l’invention, qui porte sur une armature textile, a été mise en oeuvre pour obtenir un produit identique à celui visé dans le brevet, de sorte que la contrefaçon de la revendication 1 est établie et qu’en toute hypothèse, il y a contrefaçon par équivalent, la technique utilisée exerçant une fonction nouvelle en vue du même résultant, voire par perfectionnement.
- La Cour de Lyon examine le procès-verbal de 2007 et un échantillon produit par Saertex :
Les produits annexés au procès-verbal de saisie contrefaçon pratiquée à la demande de la société Chomarat en 2007 sont constitués de deux couches textiles disposées de part et d’autre d’une âme constituée d’une nappe de fibres synthétiques titrant entre 70 et 110 Dtex, les diverses parties étant liées par couture.
Il est ainsi établi que la société Saertex ne met pas en oeuvre « une nappe à base de fibres synthétiques ayant reçu préalablement à leur mise sous forme de nappe un traitement leur communiquant une ondulation permanente« , ou ayant reçu ‘préalablement à leur mise sous forme de nappes un traitement de texturation leur communiquant une frisure permanente’, dans les termes des revendications, mais q’un traitement parvenant à imprimer une telle torsion à une partie des fibres est pratiqué ultérieurement.
- L’exigence du prétraitement est recherchée par la Cour dans la description également :
– l’invention se caractérise en ce que la couche centrale est constituée par une nappe à base de fibres synthétiques, de titre unitaire élevé et qui ait reçu préalablement à leur mise sous forme de nappes un traitement leur communiquant une ondulation (ou une frisure) permanente,
– en d’autre termes, le choix des fibres entrant dans la constitution de la nappe est réalisé de telle sorte que lesdites fibres présentent un effet de ‘ressort’ et autorisent la production d’une nappe non tissée, légère, épaisse et aérée,
– à titre indicatif, comme fibre convenant particulièrement, on utilisera des fibres qui ont reçu préalablement un traitement de texturation, par exemple par bourrage leur communiquant une frisure permanente,
– exemple : sur un métier conventionnel, on a réalisé une armature conforme à l’invention comportant une couche interne réalisée par cardage, à partir de fibres ayant été préalablement frisées avant coupe, de manière à présenter des ondulations permanentes.
- La Cour retient comme une caractéristique essentielle de l’invention ce traitement préalable :
Il résulte, tant de cette description, que des revendications qu’elle vient éclairer, que l’inventeur n’a jamais eu en vue la réalisation d’une nappe en fibres droites, ultérieurement frisées, notamment par aiguilletage et aucun élément ne vient suggérer qu’il suffirait, in fine, que ces fibres présentent une ondulation permanente pour entrer dans le champ de la protection.
Etendre à cette simple caractéristique finale, la protection due au titulaire du brevet ne serait pas équitable et porterait atteinte au degré raisonnable de certitude que les tiers sont en droit d’attendre de la consultation du titre, qui ne concerne pas toute espèce de nappes dont les fibres présentent une certaine frisure.
Ce traitement préalable, dont la nécessité est plusieurs fois rappelée, est bien une caractéristique essentielle, puisque le choix de telles fibres est déterminant pour obtenir l’effet ‘ressort’ indispensable à la production de l’âme brevetée.
- La contrefaçon par équivalence est écartée :
Le recours à l’aiguilletage n’aboutit pas au même résultat, certaines des fibres n’étant pas tordues par ce procédé, alors que celles du produit de la société Chomarat présentent toutes cette frisure, de sorte que les deux nappes finales ne présentent pas les même propriétés mécaniques.
Cette caractéristique essentielle n’est pas reprise, le produit breveté n’est pas matériellement réalisé dans le produit incriminé et la contrefaçon n’est pas constituée.
Il ne peut exister de contrefaçon par équivalent, puisque la société Saertex utilise un moyen différent pour aboutir à un résultat différent.
La différence de résultat suffirait à exclure la reproduction par équivalence, bien que la nouveauté de la fonction ne soit pas contestée.
La cour n’était peut-être pas très convaincue par son propre raisonnement…
Mais on se demande ce qui vient faire cette notion de sécurité des tiers dans cette histoire…argument qui semble tout à fait étranger à la jurisprudence de la contrefaçon par équivalence il me semble.
C’est la CA de Lyon… un de ses derniers cas en contrefaçon de brevet?