L’arrêt de la Cour de Colmar du 11 septembre 2012 se prononce sur une action en revendication d’un brevet français et du brevet européen délivré sur la base de la demande française. Différentes problématiques sont à peine effleurées, qui intéressent néanmoins le conseil en propriété industrielle et l’avocat tant au moment du dépôt du brevet que dans l’organisation des contrats. Les relations entre les parties ayant abouti à ce que la Cour qualifie de « curieuses résiliation », c’est une prescription de l’action qui met un terme au litige.
24 avril 1998 : dépôt d’une demande de brevet française sur une porte basculante par M……
23 avril 1999 : dépôt d’une demande devant l’OEB sur la base de la priorité du 24 avril 1998 par M…..
2 juin 2000 : le brevet français est accordé.
3 juillet 2002 : le brevet européen est délivré.
17 novembre 2004 : R…. assigne M… en revendication des deux brevets.
7 février 2008 : le Tribunal de Grande Instance de Strasbourg selon l‘arrêt de Colmar « a déclaré recevable l’action en revendication introduite par R….., qu’il a annulé un acte du 21 avril 1998 qui avait autorisé M….. à déposer un brevet, et qu’il a condamné sous astreinte M……. à faire procéder à des modifications sur les registres français et européens »
M……. fait appel du jugement.
- L’arrêt se réfère à différents événements
« Que deux ingénieurs du cabinet …… se sont rendus le 10 mars 1998 chez M…. , et ont pris des notes et des croquis sommaires du mécanisme en cause; Que R……. a assisté à l’entretien;
Attendu que R…… a confectionné les plans d’exécution de chacune des pièces, qu’il les a mis sous enveloppe cachetée, et qu’il s’est adressé le pli à lui-même le 20 mars 1998 ;
Attendu cependant que par convention du 21 avril 1998, rédigée par R……selon les indications données, celui-ci a permis expressément à M…… de déposer le brevet à son nom propre, alors qu’il avait participé lui-même à l’invention en finalisant, selon le mot assez précis employé, le projet de porte basculante automatique;
Que M….. a été autorisé à céder librement le brevet à la SARL, mais qu’en cas de cession à une autre personne, il a été prévu qu’un accord devrait définir le droit à indemnité de R…… »
- L’arrêt déclare prescrite l’action de R…..
« Attendu cependant qu’indépendamment même du problème de la validité de cette convention, il convient de se demander préalablement si l’action de R……. n’est pas prescrite sur le fondement de l’article L.6ll-8 ;
Attendu que cette disposition édicte une prescription de trois années pour les inventions soustraites à l’inventeur, avec prorogation de ce délai en cas de mauvaise foi au moment de la délivrance ou de l’acquisition du titre;
Attendu qu’en l’espèce, il résulte des simples observations de fait précédentes qu’il n’y a eu ni soustraction, ni mauvaise foi de la part de M……;
Qu’il a exécuté la convention du 21 avril 1998 qui lui permettait de déposer le brevet sous son seul nom;
Attendu que la revendication du brevet français se heurtait donc à la prescription lorsque la présente procédure a été intentée le 17 novembre 2004 ;
Attendu qu’un peu plus délicat est le problème de la prescription quant au brevet européen publié en 2002 ;
Attendu que la Cour rappelle à nouveau qu’il s’agissait bien d’un brevet entièrement identique, même si les revendications avaient été rédigées dans un ordre différent et selon une autre méthode ;
Attendu que cette Cour observe tout d’abord que la revendication de R….. ne pouvait concerner que la protection en France du brevet européen, de même que la nullité ne peut être prononcée qu’en ce qui concerne la France conformément à l’article L.614-12;
Attendu que le brevet français et le brevet européen sont nécessairement solidarisés lors des transactions sur ceux-ci conformément à l’article L.614-14 ;
Que de même, le rejet d’une action en contrefaçon d’un des deux brevets entraîne irrecevabilité d’une action en contrefaçon fondée sur l’autre conformément à la disposition finale de l’article L.614-15 ;
Attendu qu’eu égard à cette nécessaire solidarité des protections par brevets, eu égard au fait que l’action de R…, qui a connu dès l’origine le dépôt du brevet français, était prescrite sur le fondement de celui-ci, et eu égard au fait qu’il ne pouvait revendiquer en France que la partie française du brevet européen, cette Cour estime que sa revendication relative à la protection européenne est également frappée par la même prescription;
Que la demande de brevet européen avec revendication de la priorité du dépôt du brevet français n’a pas prorogé le délai de la prescription, qui a commencé de courir à la date de la publication du premier titre;
Attendu qu’infirmant par conséquent le jugement entrepris, la Cour déclare irrecevable comme prescrite l’action intentée par R…;
Attendu que l’irrecevabilité de la revendication de R. vaut naturellement pour le droit moral qu’il revendique accessoirement;
Qu’elle entraîne le rejet de toutes ses demandes et de tous ses moyens, tels que celui fondé sur une curieuse résiliation de la convention du 21 avril 1998 ;
Que toutes ses demandes et tous ses moyens sont des développements de son action en revendication irrecevable;
Que la Cour précise donc en tant que de besoin que l’irrecevabilité vaut pour toutes les demandes et tous les moyens présentés par R….. pour faire aboutir sa revendication;
A noter, la Cour rejette les demandes de M…
La lecture du jugement comporte d’autres éléments assez savoureux… mais d’un faible intérêt juridique !
Je profite de ce commentaire pour vous remercier pour votre blog que je suis avec beaucoup d’intérêt.
Merci pour votre fidélité.