Copropriété du brevet: on est ou on n’est pas inventeur

L’arrêt du 21 décembre 2012 de la Cour de Paris intervient à propos d’un long contentieux entre deux copropriétaires  d’un brevet.

Le brevet portant sur « une aile de parapente bionique » a été déposé par deux personnes.

Le conflit porte notamment sur la titularité du titre.

« Invoquant les dispositions de l’article L.611-8 du code de la propriété intellectuelle, R……  F….. soutient que le brevet n° 0……qui lui a été délivré ainsi qu’à O…… C…….. lui a été soustrait par ce dernier de mauvaise foi au moment de la délivrance du titre et qu’il doit être désigné comme le seul inventeur, et comme tel, seul titulaire des droits patrimoniaux attachés au titre ;

Il convient d’observer que la requête en délivrance de brevet n° 0…… datée du 16 novembre 2000 portant sur un parapente bionique à voilure modulable mentionne les noms de F….. R….. et de  C….. O….. comme demandeurs et inventeurs ;

Conformément aux dispositions de l’article L.611-6 du code de la propriété intellectuelle, le droit au titre de propriété industrielle mentionné à l’article L.611-1 appartient à l’inventeur ou à son ayant cause ;

Selon les dispositions de l’article R.612-10 du code de la propriété intellectuelle, la requête en délivrance de brevet qui doit être signée du demandeur doit contenir la désignation de l’inventeur et si le demandeur n’est pas l’inventeur où l’unique inventeur, la désignation doit être effectuée dans un document séparé contenant les nom, prénom et domicile de l’inventeur ainsi que la signature du demandeur ;

Le droit au brevet d’invention doit donc être reconnu à F….  R….. et à C…… O……, les auteurs de l’invention dont la demande de brevet a été déposée ;

Ils sont par conséquent, jusqu’à preuve contraire, présumés copropriétaires du brevet litigieux et R…… F……. qui ne conteste pas avoir rempli manuscritement la requête en délivrance de brevet, en qualité de demandeur est mal venu pour soutenir que le brevet lui aurait été ‘soustrait’ de mauvaise foi par O….. C…., son co-déposant et co-inventeur alors surtout qu’il a, en connaissance de cause et sans qu’une intervention fautive imputable à O….. C. soit démontrée coché la case n°5 de l’imprimé Cerfa n°11354*01 comportant les mentions ‘S’il y a d’autres demandeurs, cochez la case et utilisez l’imprimé ‘Suite » et qu’à l’observation ‘Si vous avez utilisé l’imprimé ‘Suite indiquez le nombre de pages jointes’, il a écrit ‘1 page’ sur laquelle figurent sous la rubrique ‘Demandeur’ le nom et les coordonnées d’O….. C….;

R….. F….. soutient encore que la lecture de la convention de collaboration signée mais non datée entre les parties (Pièce n°9 du dossier F…..) démontre le rôle de chacune des personnes ayant concouru à la mise en œuvre de l’invention, lui-même étant qualifié de chercheur chargé du secteur de l’innovation et des relations avec la presse spécialisée, des négociations en vue d’une fabrication et de la mise en œuvre des stratégies commerciales des réalisations, tandis qu’O…. C….. était désigné comme ingénieur ayant compétence sur la modélisation sur ordinateur des différents prototypes conçus, de leur expérimentation sur le terrain, éventuellement à l’aide de modèles réduits ainsi que de la réalisation des plans pour une mise en fabrication ;

Tout en convenant qu’O…. C….. a conçu et suivi les plans de fabrication du prototype de l’aile Bionic et qu’il est l’auteur de la description et des revendications du brevet, il soutient que le fait d’avoir assuré la rédaction intégrale d’une réponse au rapport de recherche n’a pas pour effet de lui conférer la qualité d’inventeur, tout comme le fait d’avoir participé à la mise au point du prototype et au réglage de l’ensemble de sustentation de l’aile ;

Mais l’apport que chaque inventeur a pu effectivement effectuer à l’invention importe peu et ne saurait avoir pour conséquence de priver celui dont la contribution est moindre de la qualité d’inventeur au moment du dépôt de la requête en délivrance de brevet ;

En effet, l’apport de chacun à l’invention ne peut se résoudre que par une répartition adéquatement définie des fruits espérés de l’invention et le code de la propriété intellectuelle n’envisage par ailleurs pas l’existence d’une moitié ou d’un quart d’inventeur : on est ou on n’est pas inventeur ! »

La Cour confirme le jugement qui a rejeté la demande de R…. F… de se voir attribuer la totalité de la propriété du titre.

A noter la leçon donnée par la Cour aux parties : à propos de l’invention qui « devra bénéficier de toute leur attention au détriment de leurs contingences et querelles passées »

« …la lecture des nombreux documents versés aux débats atteste qu’il existe depuis plus de 10 années un important et violent contentieux entre les parties qui ont amené les premiers juges dans un but d’apaisement à leur proposer une médiation, laquelle a échoué ;

……..

La cour se trouve par conséquent en présence de deux copropriétaires qui ont l’un et l’autre agi, tant au cours de la phase pré-judiciaire que de la phase judiciaire, avec suffisamment d’absence de discernement pour en déduire que la faute de l’un trouve son pendant dans la faute de l’autre ;

La demande de dommages intérêts pour procédure abusive formée par O….. C…. sera par conséquent rejetée tout comme les mesures de publication qui ne se justifient pas compte tenu de la nature des relations ayant existé entre les parties et de l’intérêt de celles-ci devront à l’avenir avoir pour la seule invention laquelle devra bénéficier de toute leur attention au détriment de leurs contingences et querelles passées ; »