Les inventeurs salariés se voient opposer la prescription de leur demande, la Cour de cassation en 2012, c’est ici, posait toutefois l’exigence pour que le délai de prescription puisse courir, que le salarié inventeur dispose des éléments nécessaires au calcul de la rémunération supplémentaire qui lui était due.
La méthode de calcul de la rémunération supplémentaire devrait-elle donc être comprise dans ces éléments nécessaires ? C’est une des questions que pose l’arrêt de la Cour de Paris du 30 octobre 2015.
Quelques passages de l’arrêt à propos de la rémunération supplémentaire de l’inventeur salarié relative à un des brevets en cause et pour lequel sa demande est dite prescrite.
- Le rappel du délai de prescription et de son point de départ
Considérant ceci exposé, que les parties s’accordent à considérer que la rémunération supplémentaire réclamée par D………. constitue une créance de nature salariale et que l’action en paiement y afférent est, conformément à l’ancien article 2277 ancien du code civil, soumise à prescription quinquennale ;
Considérant que le point de départ du délai de prescription correspond au jour où le salarié disposait des éléments nécessaires au calcul de la rémunération supplémentaire qu’il réclame ;
- Les éléments pris en compte par la Cour de Paris
Or, en l’espèce, il résulte des éléments versés aux débats que la demande de brevet concernant cette invention a été déposée le 27 janvier 1999 et le brevet délivré le 2 mars 2001; qu’à partir de l’année 2000, date à laquelle l’invention a été primée, Monsieur D………. était responsable technique des offres au sein de la société A…….. mais il ressort de son entretien d’évaluation du 22 août 2000 que, parmi les objectifs techniques liés à sa fonction, figurait celui de ‘participer activement à la définition des outils de surveillance et de maîtrise du C……: outil développé pour fin 2000′, dont fait partie notamment le matériel C…. D……. objet de l’invention en cause ;
Que, par ailleurs, dans une note du 12 décembre 2000 Monsieur D………. a recensé les avantages du C….. D….. à la demande du directeur des offres ; qu’il a également rédigé le 12 mai 2005 un tableau des charges prévisionnelles des offres, lequel le mentionne en charge de fonctions techniques mais aussi de management technique des équipes, d’analyse marketing produit et d’analyse des besoins ; qu’il reconnaît avoir été destinataire du compte rendu de réunion du 7 juin 2001 relative aux négociation avec la Maroc quant au C……. D…… , réunion au cours de laquelle ont été abordés les points techniques et commerciaux concernant les paiements et les délais ; qu’il a également participé aux négociations avec la Hongrie, du moins été destinataire de l’offre telle que contenue dans le document du 1er septembre 2004 qui fait état de chiffres et du nombre de trains concernés par le projet ;
Que, d’ailleurs, dès 1998, Monsieur D………. a été informé par le service Recherches et développements des dépenses et des coût de certaines études de développement comme en témoignent les mémorandums internes des 1er septembre, 3 novembre et 14 décembre 1998 ; que, de surcroît, les deux offres remportées en 2000 par la société A…… pour le C…… D……, qui ont donné lieu à l’exploitation de l’invention de l’intimé, sont issues d’appels d’offres publics dans lesquelles le nombre de voitures commandées et le montant des commandes sont indiqués;
Considérant également que le 5 juillet 2006, la société A……. , procédant par voie d’informations presse, faisait état de la commande par la S…… de 70 nouvelles voitures TER à deux niveaux pour un montant de 135 millions d’euros, ajoutant que la commande concernait 21 nouvelles rames à puissance répartie du modèle C……. D…… : 7 rames de 4 voitures et 14 rames de 3voitures, que ce contrat porte le nombre d voitures commandées depuis 2000 à 487 sur les 629 prévues au terme du programme en 2009, le montant total des commandes s’élevant quant à lui à 727 millions d’euros et que notamment le site de Valenciennes, sur lequel travaillait Monsieur D………. en tant que responsable des offres C……. D……., était impliqué dans l’exécution du contrat ; que ces informations étaient déjà contenues dans un article du magazine ‘La Vie du Rail’ du 24 mars 2004 ;
Que par mail en date du 23 avril 2007, Monsieur D…… écrivait au directeur de la propriété intellectuelle de la société A……. pour lui faire part de son mécontentement suite à la célébration de la 100 ème rame C….. D….., à laquelle il n’a pas été associé, indiquant que celui-ci a fait l’objet de plusieurs contrats (environ 2 milliards d’euros), étant relevé que par la suite, hormis une confirmation de cette information sollicitée en 2009 auprès du chef de projet du marché pour les TER, il n’a jamais sollicité d’informations complémentaires sur l’exploitation du brevet concerné, évaluant même le chiffre d’affaires réalisé par la société A….. du fait de son invention entre 2, 5 et 3 milliards d’euros depuis 2000, et la marge brute réalisée pour les trains C…… D…… Ter à 28 % ;
Qu’enfin, Monsieur D………. a perçu le 14 juin 2000 une prime exceptionnelle pour le brevet 9900885 ‘Rame ferroviaire modulaire et convoi ferroviaire formé de telles rames’ de 3.300 F et le 16 avril 2003 une seconde prime de 1.507,50 euros au même titre et pour le même brevet, ce qui démontre en tant que de besoin qu’il connaissait l’utilité de son invention ;
Qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que Monsieur D………. avait non seulement connaissance de l’exploitation de son invention mais disposait également des éléments nécessaires au calcul de la rémunération supplémentaire qu’il réclame, et ce antérieurement au mois de mars 2007 ;
Qu’en conséquence, il y a lieu d’infirmer le jugement et de déclarer irrecevable comme prescrite l’action en paiement de rémunération supplémentaire de Monsieur D………., »
Un commentaire de cet arrêt est là.