La procédure protège les droits comme le montre l’arrêt du Tribunal du 18 septembre 2012 à propos de trois décisions de l’Office Communautaire des Variétés Végétales.
Différents litiges opposent deux obtenteurs.
5 septembre 1996 : M. Jørn Hansson présente une demande de protection communautaire des obtentions végétales à l’Office communautaire des variétés végétales (OCVV).sur la variété LEMON SYMPHONY.
6 avril 1999 : la demande est accordée.
26 novembre 2001 : M. Ralf Schräder présente une demande de protection communautaire des obtentions végétales à l’OCVV, qui est enregistrée pour la variété SUMOST 01 de l’espèce Osteospermum ecklonis.
Le titulaire de LEMON SYMPHONY engage en Allemagne une action en contrefaçon contre la société qui produit et commercialise des plantes de la variété SUMOST 01.
12 juillet 2005 : le Landgericht Düsseldorf fait droit à ces demandes en contrefaçon.
21 décembre 2006 : l’Oberlandesgericht de Düsseldorf confirme le jugement.
23 avril 2009 : la Bundesgerichtshof rejette le recours.
Parallèlement, le 27 octobre 2003 le titulaire de LEMON SYMPHONY adresse à l’OCVV une objection écrite à l’octroi de la protection communautaire des obtentions végétales à SUMOST 01.
26 octobre 2004 : le déposant de SUMOST01 engage une action en déchéance pour défaut de stabilité de LEMONSYMPHONY.
En résumé : le titulaire de SUMOST01 demande 1°) la nullité de MONSYMPHONY ( les plants présentés à l’origine auraient reçu un traitement chimique), 2°) la déchéance de LEMONSYMPHONY ( la variété ne serait pas stable) et conteste 3°) le rejet de sa demande d’enregistrement de SUMOST01, 4°) l’adaptation de la description LEMONSYMPHONY (la caractéristique de la tige : dressée a été modifiée par demi-dressée).
Mais toutes ses demandes sont finalement rejetées par l’Office, le 23 janvier 2009, la demande d’annulation mais les trois autres bien antérieurement, le 4 décembre 2007.
D’où les quatre recours devant le Tribunal.
Y avait-il un recours à examiner avant les autres ? Pour le Tribunal, l’Office ne les a pas traités dans le bon ordre et ce faisant, il n’a pas tenu compte du refus de M. Ralf Schräder de participer à l’audience du 4 décembre 2007 et n’a donc pas respecté une règle de procédure.
- Sur la tenue de l’audience du 4 décembre 2007 malgré le refus du requérant
« Au demeurant, la présidente de la chambre de recours avait pleinement conscience de l’opposition de principe et motivée du requérant à la tenue de l’audience le 4 décembre 2007, comme le révèle sa lettre à l’avocat du requérant du 17 octobre 2007, qui, en réponse à son courrier du 20 septembre 2007, l’informait que « la demande du requérant du 20 septembre 2007 visant à obtenir un report de la date de l’audience pour les trois procédures n’a[vait] pas été accueillie par la chambre ».
228 En outre, il convient de relever que c’est le 19 octobre 2007 également que le requérant a introduit le recours auprès de la chambre de recours contre la décision sur la demande d’annulation. Cette circonstance, constitutive d’un fait nouveau et important aux fins du bon déroulement des diverses procédures devant ladite chambre de recours, de même que les termes du courrier de l’avocat du requérant du même jour à la présidente de la chambre de recours, exposant les raisons pour lesquelles il estimait que la question de la nullité devait être tranchée de façon prioritaire, de sorte que cela n’avait pas de sens de tenir une audience dans les autres affaires avant la fin de l’année, est également de nature à renverser la présomption d’acceptation de la date du 4 décembre 2007.
229 Dans un tel contexte d’opposition explicite et de principe à la tenue d’une audience dans les seules trois premières affaires, la chambre de recours n’était pas fondée à « présumer » l’accord du requérant sur la tenue d’une audience vers la fin de l’année 2007, et moins encore sur un délai plus court que celui, minimal, d’un mois prévu à l’article 59, paragraphe 1, du règlement d’exécution, au motif qu’il n’aurait pas réagi dans les dix jours courant à compter de l’envoi de la télécopie du 9 octobre 2007.
230 Le Tribunal conclut ainsi de l’examen des deux motifs avancés par la chambre de recours que ceux-ci ne permettent pas d’établir à suffisance de droit l’accord du requérant sur un délai de comparution plus court que celui d’un mois au minimum prévu à l’article 59, paragraphe 1, du règlement d’exécution.
231 Ce délai minimal de comparution n’ayant pas été respecté, force est de constater que le requérant n’a pas été régulièrement convoqué à la procédure orale devant la chambre de recours.
232 La non-comparution du requérant à cette audience n’autorisait dès lors pas la chambre de recours à poursuivre la procédure en son absence. Il découle, en effet, de l’article 59, paragraphe 2, du règlement d’exécution que la procédure ne peut être continuée in absentia que si une partie « régulièrement » convoquée ne comparaît pas.
233 Le moyen tiré, dans les trois affaires, d’une violation de cette disposition et du droit d’être entendu est dès lors bien fondé, et de nature à entraîner l’annulation des trois décisions attaquées.
- L’ordre dans lequel l’Office a traité les recours n’était pas le bon, son choix a préjugé de sa décision
240 Or, comme il a déjà été indiqué au point 98 ci-dessus, les trois affaires ici en cause sont liées à l’affaire T‑242/09 (procédure d’annulation de LEMON SYMPHONY) par un rapport de dépendance, l’issue de celle‑ci étant en effet déterminante pour l’issue des autres affaires.
241 La chambre de recours n’a d’ailleurs pas contesté l’existence de ce rapport de dépendance, dans les trois décisions attaquées. Elle a plutôt motivé le rejet de la demande de surséance de la procédure par la considération que la procédure d’annulation n’avait aucune « perspective raisonnable de succès », de sorte qu’elle ne pouvait en aucun cas affecter favorablement la position du requérant dans les trois autres affaires.
242 Ce faisant, toutefois, la chambre de recours a gravement préjugé de la décision qu’elle serait amenée à prendre dans le cadre de ladite procédure, alors même que celle-ci n’en était qu’à ses débuts.
243 De surcroît, ce préjugé s’est avéré erroné, en fait comme en droit. En effet, le motif invoqué pour justifier cette appréciation, à savoir, en substance, que le requérant n’était pas en droit de demander à l’OCVV l’adoption d’une décision au titre de l’article 20 du règlement, n’a même pas été retenu par la chambre de recours, autrement composée il est vrai, dans la décision A 010/2007, pour justifier le rejet du recours formé contre la décision sur la demande d’annulation. Bien plus, la chambre de recours semble avoir rejeté le motif en question comme non fondé, au paragraphe 1 de la décision A 010/2007, à la lumière de l’arrêt du Tribunal du 31 janvier 2008, Federación de Cooperativas Agrarias de la Comunidad Valenciana/OCVV – Nador Cott Protection (Nadorcott) (T‑95/06, Rec. p. II‑31), dont le point 81 énonce que, « aux termes des articles 20 et 21 du règlement (…), toute personne peut inviter l’OCVV, après l’octroi d’une protection et indépendamment d’un recours formé devant la chambre de recours, à la déclarer nulle et non avenue ou à déchoir le titulaire de sa protection en faisant valoir que ladite protection a été accordée à une variété qui ne répond pas aux critères matériels des articles 7 à 10 dudit règlement ».
244 Le requérant avait ainsi un motif légitime et fondé de s’opposer à la tenue d’une audience le 4 décembre 2007. Inversement, et quelles que soient les motivations profondes de sa décision, la présidente de la chambre de recours a fait un usage inapproprié, sinon abusif, de ses pouvoirs en prétendant tenir une audience à cette date, malgré les objections raisonnables et fondées du requérant.
245 Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que le moyen, commun aux affaires T‑133/08, T‑134/08 et T‑177/08, tiré d’une violation de l’article 59 du règlement d’exécution et des droits de la défense, est fondé.
246 Il y a lieu, en conséquence, d’annuler les trois décisions attaquées dans le cadre des affaires T‑133/08, T‑134/08 et T‑177/08, sans qu’il soit dès lors besoin de se prononcer sur les autres moyens et arguments des recours.