Régulièrement ce blog fait état de décisions qui se sont prononcées sur la validité de saisie- contrefaçon en matière de brevets.
La saisie organisée par les dispositions du droit commun, l’article 145 du Code de procédure civile, ici, à la disposition des avocats apporterait-elle plus de chances de succès au requérant ? Rien n’est moins sûr comme le rappelle l’arrêt du 1er juillet 2014 de la Cour d’appel de Paris intervenu en appel d’une ordonnance du 2 octobre 2013 du Tribunal de commerce de Paris, dans une affaire déjà abordée par un précédent post sur ce même blog. C’est ici
Les deux parties avaient signé un accord de confidentialité visant « à interdire la divulgation, la reproduction, à copier l’utilisation des informations confidentielles qui seraient fournies ». Ultérieurement une des parties annonce publiquement les innovations pour l’année 2013 parmi lesquels un produit dont l’autre partie estime que les caractéristiques sont identiques au sien.
4 juin 2013 : ordonnance présidentielle du Tribunal de commerce de Paris. « afin de se faire remettre les correspondances postérieures au 1er février 2012 relatives aux discussions entre les deux sociétés à partir de [ une liste de mots- clefs] ainsi que tous les documents concernant leurs discussions, postérieurs à cette même date et contenant les dits mots- clés. »
Indiquons les pouvoirs accordés à l’huissier tels qu’indiqués à l’arrêt du 1er juillet 2014 :
« L’huissier avait l’autorisation d’accéder à l’ensemble des documents et moyens informatiques susceptibles de contenir tout ou partie de ces éléments, en se faisant communiquer les mots de passe,et si nécessaire en accédant aux disques durs et à toutes unités de stockage susceptibles de contenir tout ou partie des éléments, et à effectuer toutes copies.
L’exécution de la mesure était assortie d’une astreinte provisoire de 50.000 € par jour de retard à compter de la première présentation de l’ordonnance, et il était prévu que l’huissier conserverait les éléments recueillis en séquestre jusqu’à autorisation du tribunal ou de son président ».
12 juin 2013 : exécution des mesures.
5 juillet 2013 : la société requérante à la saisie demande au juge des référés du Tribunal de commerce de Paris la remise de tous les éléments recueillis et séquestrés. De son côté, la société saisie demande la rétractation de l’ordonnance, et la restitution de toutes les pièces.
2 octobre 2013 : une ordonnance de référé intervient. Si elle ordonne de retirer de la saisie des documents concernant un terme particulier, elle renvoie au 24 octobre l’organisation du tri des documents saisis.
La société saisie fait appel, c’est sur cet appel qu’intervient l’arrêt du 1er juillet 2014.
De celui-ci, ne sont cités ci-après que les développements relatifs à l’article 145 du Code de procédure civile.
Le périmètre de l’article 145
Considérant qu’aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé ;
Que lorsque la mesure a été ordonnée sur requête, décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse, il appartient au juge des référés saisi d’une demande de rétractation de vérifier, même d’office, que la requête et l’ordonnance caractérisent les circonstances justifiant que la mesure sollicitée soit prise exceptionnellement en dehors de tout débat contradictoire ;
Que le juge de la rétractation doit également rechercher si les explications apportées par le demandeur à la rétractation l’auraient conduit à statuer différemment dans son ordonnance sur requête ;
Que ces circonstances doivent être appréciées au jour où le juge statue sur requête et ne peuvent résulter de faits postérieurement révélés et notamment de pièces saisies dans le cadre de l’exécution de la mesure ;
Après une analyse extrêmement détaillée des échanges entre les deux sociétés et des articles de presse, la Cour conclut :
Que ces propos laissent supposer la sincérité de son argumentation, alors encore qu’elle produit un brevet déposé le 7 février 2007 dont elle est titulaire, intitulé ‘procédé et dispositif de gestion de mise en relation sans divulgation de numéro de téléphone,’ qui tend à confirmer qu’elle disposait, antérieurement à la relation nouée avec [ la société requérante à la saisie ], de techniques lui permettant d’envisager de développer un projet en interne ;
Considérant que le droit à la preuve, consacré par les dispositions de l’article 145 du code de procédure civile, en ce qu’il permet à un concurrent d’accéder à des informations comptables, techniques ou commerciales de son concurrent, et des éléments de nature à relever du secret des affaires, requiert une appréciation stricte du motif légitime ;
Qu’en l’espèce, il se déduit des développements qui précèdent qu’aucune des pièces produites à l’appui de la requête n’induit que le nouveau service proposé par [ la société saisie] serait susceptible de contenir des données confidentielles fournies par …. ; que la seule circonstance de relations commerciales interrompues portant sur une application aux visées similaires à celle qu’a finalement mise au point …. sans l’assistance de ….. ne saurait suffire à caractériser le motif légitime au jour où la mesure a été obtenue par voie de requête, justifiant que soit ordonnées les mesures de saisies dans les locaux de …..sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ;
Qu’à défaut d’indice plausible de la violation de l’accord de confidentialité et du caractère brutal de la rupture de négociations suffisant à convaincre la juridiction de la vraisemblance des faits allégués, les griefs invoqués par la société [ la société requérante à la saisie]… apparaissent purement hypothétiques ;
Qu’il y a lieu par conséquent de rétracter l’ordonnance rendue sur requête le 4 juin 2013, en infirmant de ce chef l’ordonnance de référé dont appel, et d’ordonner la restitution à …. de l’ensemble des pièces saisies dans le cadre de la mesure d’instruction ordonnée en faisant droit à la demande de destruction des copies qui auraient pu être réalisées ;