Un appel ne doit certainement pas être automatique.
La SARL AQUA INVEST titulaire de deux brevets européens relatifs à des couvertures de piscine engage une procédure en contrefaçon contre la société SARL AQUA FERMETURES devant le Tgi de Bordeaux. Déboutée le 8 mars 2011, la SARL AQUA INVEST fait appel.
La Cour de Paris rend son arrêt le 7 mai 2014.
- Ne sont repris ici que les passages relatifs au constat de l’huissier
Considérant que la SARL AQUA INVEST soutient que ce constat a été dressé dans les allées passages du salon et non dans le stand de la SARL AQUA FERMETURES et qu’il est ainsi démontré la validité du procès-verbal de constat ;
Considérant que la SARL AQUA FERMETURES conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a prononcé la nullité de ce procès-verbal en faisant valoir que l’huissier a outrepassé ses droits en pénétrant, en dehors de toute habilitation judiciaire, dans le stand d’exposition qui n’est pas un lieu public et en interrogeant les personnes présentes sur le stand, en prenant des clichés dans un lieu privé et en interprétant les paroles de son représentant légal ;
Considérant ceci exposé, que l’article L 615-5 du code de la propriété intellectuelle dispose que la contrefaçon de brevet peut, comme tout fait juridique, être prouvée par tous moyens, y compris en conséquence un procès-verbal de constat d’huissier ;
Considérant toutefois qu’à défaut d’autorisation judiciaire préalable lui permettant de procéder à une saisie-contrefaçon, l’huissier de justice doit rester dans le strict cadre des pouvoirs qu’autorise la rédaction d’un procès-verbal de constat afin que celui-ci ne soit pas assimilé à une saisie-contrefaçon déguisée ;
Considérant qu’ainsi l’huissier ne peut procéder à un constat que depuis un lieu public, et non sur le stand d’un salon dans lequel est offert à la vente le produit litigieux ; qu’il doit respecter l’obligation de discrétion et de réserve garantissant la vie privée de chacun et s’abstenir de réaliser une enquête déguisée sous le couvert d’audition de sachants ; qu’il ne peut être commis que pour procéder à des constatations purement matérielles, et que si la partie adverse souhaite faire des déclarations spontanées, il doit les annexer au procès-verbal et les lui faire signer ;
Considérant qu’en l’espèce il ressort du procès-verbal de constat dressé le 20 novembre 2008 par Mme ….., clerc habilité de la SCP Edouard et Jean-Pierre ZERBIB, huissiers de justice associés à Bron (69), que ce clerc s’est rendu au parc des expositions EUREXPO à Chassieu (69)devant le stand de la SARL AQUA FERMETURES ; qu’en attendant de s’entretenir avec M……, responsable de cette société, ce clerc a écouté la conversation privée qu’avait ce dernier avec des visiteurs sur le système de couverture de piscine, objet de la présente instance en contrefaçon de brevets ;
Considérant que ce clerc s’est ensuite entretenu avec M……, procédant ainsi à une véritable enquête civile sans même retranscrire ses propos mais en se contentant de les résumer en les interprétant ;
Considérant enfin que ce clerc a procédé à plusieurs photographies du système de couverture présenté sur le stand dont il ressort qu’il n’a pu prendre ces photographies qu’en pénétrant sur le dit stand, en particulier pour les photographies en gros plan n° 3 et 4 de la marque et les photographies rapprochées du système n° 5 et 6, nonobstant les termes de la lettre de cette étude d’huissier en date du 14 mars 2011, au demeurant signée notamment par l’huissier de justice qui n’était pas personnellement présent, qui se contente de renvoyer au procès-verbal de constat (‘je vous confirme que, comme indiqué dans le procès-verbal, …’), lequel ne précise cependant pas que ces photographies auraient été prises depuis les allées du salon ;
Considérant qu’au vu de ces dépassements de pouvoirs caractérisés, c’est à juste titre que les premiers juges ont annulé ce procès-verbal de constat et l’ont écarté des débats ; que le jugement entrepris sera confirmé de ce chef ;
- Les errements procéduraux
Considérant qu’il ressort des éléments de la cause que la SARL AQUA INVEST a engagé une action en contrefaçon de brevets téméraire, sans mise en demeure préalable et sur la base d’attestations manifestement inopérantes et d’un simple procès-verbal de constat d’huissier dont la régularité était à l’évidence contestable ; qu’elle a en outre engagé une action en concurrence déloyale et parasitaire manifestement irrecevable puisqu’elle ne pouvait pas en être la victime ;
Considérant que la SARL AQUA INVEST a été clairement informée par le jugement entrepris des motifs de fait et de droit pour lesquels ce procès-verbal de constat a été annulé et pour lesquels elle a été déboutée de l’ensemble de ses demandes tant en contrefaçon qu’en concurrence déloyale et parasitaire ; que cette société a néanmoins persévéré dans ses errements procéduraux en interjetant appel de ce jugement et en se contentant de reprendre devant la cour ses moyens et preuves présentés devant les premiers juges ; que la procédure, qui avait déjà duré deux années en première instance, s’est ainsi trouvée prolongée sans justification sérieuse pendant encore plus de trois années devant la cour ;
Considérant que ces agissements ont eu pour effet, si ce n’est pour objectif, d’empêcher la SARL AQUA FERMETURES de commercialiser son propre modèle de couverture de piscine pendant toute la durée de cette procédure, la privant de l’avancée technologique qu’elle avait pu acquérir dans ce domaine ;
Considérant qu’il apparaît en conséquence que la SARL AQUA INVEST a fait dégénérer en abus caractérisé son droit d’ester en justice et d’user des voies de recours prévues par la loi et a commis une faute au sens des articles 1382 et 1383 du code civil, ayant causé à la SARL AQUA FERMETURES un préjudice économique dû à l’impossibilité de commercialiser son modèle de couverture de piscine pendant plus de cinq années ; que la cour évalue ce préjudice, au vu des éléments de la cause, à la somme de 50.000 € ;
Considérant que le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu’il a débouté la SARL A Considérant que le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu’il a débouté la SARL AQUA FERMETURES de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive et que statuant à nouveau de ce chef la cour condamne la SARL AQUA INVEST à payer à la SARL AQUA FERMETURES la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes fautifs de procédure abusive ;
- A cette Indemnité, il faut ajouter le montant de l’article 700 pour les frais d’appel
Considérant qu’il est équitable d’allouer à la SARL AQUA FERMETURES la somme complémentaire de 30.000 € au titre des frais par elle exposés en cause d’appel et non compris dans les dépens, le jugement entrepris étant par ailleurs confirmé en ce qu’il a statué sur les frais irrépétibles de première instance ;