Toute personne peut-elle demander la nullité d’un brevet ? L’arrêt du 6 mars 2013 répond par la négative et infirme un jugement du Tribunal de grande instance de Paris.
- Brièvement les faits
C…… et A……. S…… sont titulaires de différents titres :
– du brevet français déposé le 05 janvier 2005 enregistré sous le numéro 05 07 122,
– du brevet français déposé le 21 janvier 2006 enregistré sous le numéro 06 00 747 sous priorité du brevet précédent,
– de la demande de brevet déposée le 06 février 2009, enregistrée sous le numéro 09 50 755 sous priorité du premier brevet,
Ces titres portent « sur une boîte d’emballage pour le conditionnement, la conservation, la cuisson vapeur au four micro-ondes et la consommation d’aliments ».
16 mai 2007 : accord de confidentialité entre la société italienne Barilla G. e R. Fratelli Spa et la société de C…… S……, « pour la commercialisation d’un produit de pâtes cuisinées en surgelé sous la forme d’un double emballage, contenant des pâtes et de la sauce réchauffables au four à micro-ondes ».
2008 : fin des négociations
2009 : la filiale française de Barilla commercialise « un bol de pâtes surgelées à réchauffer au four à micro-ondes ».
- Mars 2010 : par assignation, les sociétés Barilla demandent la nullité pour défaut de nouveauté et d’activité inventive des brevets FR 05 07 122 et 06 00 747.
- 23 juin 2011 : le Tribunal de grande instance annule la revendication 1 et déclare valables les autres revendications. D’autres demandes ont été examinées par le jugement mais elles ne sont pas abordées ici.
- Appel par C…… et A……. S……
La Cour de Paris « déclare irrecevable, pour défaut d’intérêt à agir, les demandes principales des sociétés Barilla ….en annulation des brevets FR 05 07 122 et FR 06 00 747 dont MM C…..et A…… S…… sont titulaires. ». Voyons sa motivation.
Considérant que la nullité d’un brevet peut être demandée par toute personne ayant un intérêt direct et personnel à agir au sens de l’article 31 du code de procédure civile, cet intérêt s’appréciant à la date de l’introduction de l’instance.
Considérant qu’un concurrent peut ainsi agir à titre principal en annulation de brevet pour autant qu’il démontre l’existence d’un intérêt suffisant visant à libérer une exploitation prochaine de la technique brevetée ou d’une technique ressemblante.
Considérant que les sociétés Barilla G. e R. Fratelli Spa et Barilla France n’établissent ni même n’allèguent l’existence d’actes préparatoires ou de projets sérieux de mise en oeuvre d’une technique proche des brevets contestés.
Considérant par ailleurs que MM C….et A…..S…..n’ont jamais invoqué une identité réelle ou supposée de l’invention brevetée avec l’objet exploité par les sociétés Barilla G. e R. Fratelli Spa et Barilla France ; qu’en effet l’instance en contrefaçon engagée par eux contre la société Barilla France ayant abouti à un jugement en date du 10 février 2011 et à un arrêt de ce jour, ne portait que sur une contrefaçon de marques.
Considérant de même que l’accord de confidentialité du 16 mai 2007 conclu entre la société Barilla G. e R. Fratelli Spa et la société …….ne fait à aucun moment état des brevets contestés et porte essentiellement sur des informations de nature comptables et commerciales.
Considérant dès lors que les sociétés Barilla G. e R. Fratelli Spa et Barilla France ne justifient pas d’un intérêt direct et personnel à agir à titre principal en nullité des brevets FR 05 07 122 et FR 06 00 747 dont MM C…….et A……S……sont titulaires.
Considérant que le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a déclaré les sociétés Barilla G. e R Fratelli Spa et Barilla France recevables en leur action en nullité et que, statuant à nouveau de ce chef, les demandes en annulation des brevets FR 05 07 122 et FR 06 00 747 présentées à titre principal par ces sociétés seront déclarées irrecevables.
Cette décision n’est pas vraiment surprenante car elle ne fait que confirmer une interprétation assez stricte, pour ne dire restrictive, des conditions recevabilité des actions en nullité à titre principal.
Cependant, on peut la regretter car une approche plus souple serait opportune pour pallier l’absence de procédure d’opposition en France.
On peut se demander si Barilla n’aurait pas eu intérêt à exercer plutôt une action en déclaration de non-contrefaçon, action qui n’est presque jamais utilisée par les plaideurs.