La restauration d’un brevet peut présenter de lourdes conséquences quand cette restauration intervient 9 ans après la déchéance du titre. Cette question de la restauration du brevet se complique encore quand intervient l’application dans le temps de la loi de propriété industrielle qui modifie les modalités du recours contre les décisions du Directeur de l’INPI.
Illustration avec l’arrêt du 15 janvier 2014 de la Cour de Paris.
- La chronologie
18 mai 1998 : dépôt du brevet par la société ASTRAZENECA.
30 janvier 2004 : décision de constatation de déchéance par le Directeur de l’INPI.
27 février 2004 : publication au BOPI de la constatation de la déchéance.
13 décembre 2008 : entrée en vigueur de l’ordonnance du 11 décembre 2008 abroge l’ancien L 613-22 2.
6 avril 2009 : recours de ASTRAZENECA.
26 mars 2013 : décision de restauration des droits attachés au brevet par le Directeur de l’INPI.
24 mai 2013 : recours des sociétés ACTAVIS contre cette décision de restauration .
L’intérêt à agir de ACTAVIS ayant été reconnu, chacun l’aura compris, la Cour de Paris est interrogée sur la question de l’application dans le temps de l’ordonnance du 11 décembre 2008 qui a abrogé l’ancien article L 613-22 2, et a mis en place le délai de recours de l’article L612-16.
- La position de l’INPI telle que rappelée à l’arrêt pour la restauration du brevet
Qu’en l’espèce le directeur général de l’INPI fait valoir que la notification a été faite à la personne de Mme C…. qui n’est ni salariée de la société ASTRAZENECA AB, ni conseil en propriété industrielle ou avocat, ni mandataire constitué auprès de l’INPI et qu’en conséquence cette notification n’a pas été faite à une personne ayant qualité au regard du payeur d’annuités, la société R…..;
Qu’ainsi cette notification irrégulière n’a pas fait courir le délai de recours de trois mois et que le recours de la société ASTRAZENECA AB n’était pas hors délai ;
- La position des sociétés ACTAVIS
Qu’elles indiquent que l’action en contestation de la décision de déchéance était au demeurant déjà prescrite avant l’entrée en vigueur de la loi nouvelle puisque selon l’ancien article L 613-22 du code de la propriété intellectuelle le délai pour agir était de trois mois suivant la notification de la décision de déchéance, soit au plus tard le 05 mai 2004 alors que le recours n’a été formé que le 06 avril 2009 ;
Qu’elles ajoutent que cette action était également irrecevable sous l’empire de la nouvelle loi, le nouvel article L 612-16 du code de la propriété intellectuelle prévoyant un délai de deux mois à compter de la cessation de l’empêchement, laquelle résulte de la publication de la décision de déchéance au BOPI le 27 février 2004 ; que ce délai ayant commencé à courir à compter du 13 décembre 2008, il a pris fin le 13 février 2009, soit antérieurement à la date à laquelle le recours a été formé ;
- La Cour de Paris annule la décision du 26 mars 2013
- La notification de la décision de la déchéance n’était pas régulière
Considérant ceci exposé, qu’à la date de la notification de la décision de constatation de déchéance du 30 janvier 2004 pour non-paiement de la redevance annuelle, l’article L 613-22, 2. du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction alors en vigueur, disposait que ‘le breveté peut, dans les trois mois suivant la notification de la décision, présenter un recours en vue d’être restauré dans ses droits s’il justifie d’une excuse légitime du non-paiement de l’annuité’ ;
Considérant qu’en l’espèce le payeur des annuités était la société de droit anglais R…..; que la décision de constatation de déchéance a été notifiée par l’INPI le 05 février 2004 par lettre recommandée avec accusé de réception à la personne de Mme C…. à Versailles.. ;
Considérant que l’article R 618-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que toute notification est réputée régulière si elle est faite soit au dernier propriétaire de la demande de brevet déclaré à l’INPI, soit au mandataire ;
Considérant qu’il est constant que Mme C…. n’était pas la salariée de la société ASTRAZENECA AB ; qu’elle n’était ni conseil en propriété industrielle, ni avocat ; qu’elle n’était pas mandataire constituée auprès de l’INPI ;
Considérant qu’il s’ensuit que la notification de la décision de constatation de déchéance n’a pas été faite régulièrement et que le délai de trois mois prévu par l’ancien article L 613-22 précité n’a jamais commencé à courir ;
- Mais la loi nouvelle a modifié la règle immédiatement
Mais considérant que cette disposition a été abrogée par l’ordonnance n° 2008-1301 du 11 décembre 2008, entrée en vigueur le 13 décembre 2008, pour être remplacée par le nouvel article L 612-16 du code de la propriété intellectuelle qui prévoit que le recours en restauration des droits doit être présenté dans un délai de deux mois à compter de la cessation de l’empêchement et introduit dans un délai d’un an à compter de l’expiration du délai non observé ;
Considérant qu’il s’agit d’une loi de procédure d’application immédiate, que de ce fait à partir du 13 décembre 2008 la société ASTRAZENECA AB n’était plus soumise pour exercer son recours en restauration, au délai de trois mois à compter de la notification régulière de la décision de constatation de déchéance prévu par l’ancien article L 613-22 mais au nouveau délai de deux mois à compter de la cessation de l’empêchement prévu par le nouvel article L 612-16 ;
- La Cour applique l’article en vigueur au jour du recours
Considérant en conséquence que la recevabilité du recours formé le 06 avril 2009 par la société ASTRAZENECA AB doit être examinée au regard de l’article L 612-16 nouveau du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction actuelle ;
Considérant qu’en application de cet article le délai de deux mois pour présenter un recours en restauration de droits contre une décision de constatation de déchéance court désormais non plus à compter de la notification régulière de cette décision mais de la cessation de l’empêchement ;
Considérant que la publication au BOPI des décisions de constatation de déchéance de droits a pour objet d’informer non seulement les tiers, mais aussi le titulaire du brevet lui-même, du manquement observé et de ses conséquences ;
- L’application du nouvel article au recours de ASTRAZENECA du 6 avril 2009
Considérant qu’en l’espèce la décision de constatation de déchéance a fait l’objet d’une publication au BOPI le 27 février 2004 ; que si à cette date, sous l’empire de la législation alors en vigueur, cette publication ne pouvait avoir eu pour effet de faire courir le délai de recours de trois mois prévu par l’ancien article L 613-22, elle a fait disparaître, à la date de l’entrée en vigueur du nouvel article L 612-16, la circonstance qui avait jusque-là empêché la société ASTRAZENECA AB d’accomplir le paiement de la sixième annuité, à savoir la négligence de son mandataire ;
Considérant en conséquence que le délai de deux mois prévu par l’article L 612-16 a commencé à courir à compter de son entrée en vigueur, soit du 13 décembre 2008, et a expiré le 13 février 2009 ;
Considérant que ce délai préfix de deux mois pour présenter le recours en restauration a notamment pour finalité d’assurer la sécurité et la protection des tiers et leur permettre de calculer sans risque la date de son expiration ;
Considérant qu’il s’ensuit que le recours formé le 06 avril 2009 par la société ASTRAZENECA AB était irrecevable comme tardif et que c’est à tort que le directeur général de l’INPI a reçu ce recours en y faisant droit ;
Considérant qu’il convient en conséquence de prononcer l’annulation de la décision rendue le 26 mars 2013.