Le projet de loi sur la biodiversité, ce blog en avait déjà parlé à propos des indications à porter à la demande de brevet. C’est ici et aussi ici .
Le 25 mars, le projet de loi a été voté par l’Assemblée Nationale. Là.
Le 7 juillet 2015, lors de l’examen à la Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable au Sénat, la brevetabilité du vivant à fait l’objet de trois amendements qui ont été rejetés, Mais cette discussion reprendra-t-elle lors du vote de la loi ?
- Ci-dessous, quelques extraits de cette réunion de la commission.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. – Les trois amendements nos COM-350 rectifié, COM-171 et COM-170, quasiment identiques, posent la question fondamentale de la brevetabilité du vivant. L’Office européen des brevets a délivré un brevet à un type de brocoli spécialement adapté pour faciliter sa récolte. Or, ce brevet couvre une caractéristique technique susceptible de s’appliquer à toute une série de variétés végétales. Une affaire similaire a eu lieu avec une tomate. Les plantes obtenues par des procédés non brevetables peuvent-elles bénéficier d’un brevet européen ? On constate une évolution inquiétante en ce sens. L’attribution de brevets sur des gènes et des traits natifs de certains végétaux, ou sur des végétaux obtenus par des procédés essentiellement biologiques, menace l’innovation, surtout chez les PME et les agriculteurs, et pousse à une concentration autour de quelques grandes multinationales. Un sélectionneur de semences agricoles qui obtiendrait, par un processus classique de croisement, une nouvelle variété comportant un gène breveté pourrait déposer un certificat d’obtention végétale (COV) mais serait certainement poursuivi pour contrefaçon puisqu’il aurait utilisé un gène protégé, alors même que ce gène existe à l’état naturel.
Les trois amendements excluent clairement de la brevetabilité les plantes issues de procédés essentiellement biologiques et les gènes natifs. Le sujet, consensuel, a fait l’objet d’un groupe de travail sur la propriété intellectuelle animé par le ministère de l’agriculture. Je souhaite que nous indiquions nettement à l’article L. 611-19 du code de la propriété intellectuelle que les produits issus de procédés essentiellement biologiques ne sont pas brevetables – sous réserve d’une modification rédactionnelle.
La question des gènes ou des traits natifs est plus délicate car leur définition scientifique est plus difficile à formuler. Je vous propose donc de n’adopter pour l’instant que la première partie de ces amendements, qui porte sur les procédés essentiellement génétiques, et de nous laisser le temps, avant la séance, d’améliorer leur rédaction sur le volet des gènes natifs, en concertation avec le Gouvernement.
Ce sujet n’est pas exclusivement français, mais européen. Notre décision ne s’appliquera qu’à l’Institut national de la propriété industrielle (INPI), qui a la même interprétation que nous de la brevetabilité du vivant. Notre vote constituera néanmoins un signal politique fort, sur lequel le Gouvernement pourra s’appuyer lors des discussions qui interviendront en 2016 sous la présidence néerlandaise de l’Union européenne. Nous devrons demander des engagements à la ministre.
J’émets donc un avis favorable aux amendements nos COM-350 et COM-171, à condition qu’ils soient formulés ainsi :
Au 3° du I de l’article L. 611-19 du code de la propriété intellectuelle, après le mot : « animaux », insérer les mots : « ainsi que les produits qui en sont issus ».
M. Rémy Pointereau. – Il ne faut pas mélanger le végétal et l’animal : je vous propose de surseoir. Rapporteur de la loi sur les COV, j’ai pris la mesure de la complexité du sujet. Consultons des spécialistes avant de nous prononcer, pour mieux comprendre les conséquences de notre vote.
Mme Évelyne Didier. – Ce sujet a été traité lors du débat sur les COV mais pas entièrement. Si une plante, créée par une méthode habituelle de croisement, est utilisée par un agriculteur, et que quelqu’un dépose un brevet sur une partie de ses gènes, cette personne s’approprie la plante.
M. Rémy Pointereau. – Quoique producteur de semences, j’ignore l’état du droit en la matière. Qui peut en avoir une idée claire ?
Mme Évelyne Didier. – Ceux qui comme moi ont travaillé le sujet pour préparer leurs amendements.
M. Hervé Maurey, président. – Les rectifications proposées par le rapporteur étant substantielles, considérons son avis comme défavorable.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. – Ne nous précipitons pas, en effet. Nous avons le temps de bien faire et chacun peut souhaiter s’informer plus complètement.
M. Ronan Dantec. – Mon amendement n° 350 rectifié est inspiré par des travaux menés en 2011, sous le précédent gouvernement. Il est consensuel. J’aimerais qu’il soit adopté, pour être présenté en séance par le rapporteur.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. – Je vous propose de nous réunir pour y travailler ensemble.
M. Rémy Pointereau. – Cette question mérite un texte en soi.
Mme Sophie Primas, rapporteure pour avis. – Les interlocuteurs que nous avons eus souhaitent protéger les COV afin que de gros acteurs internationaux ne viennent pas tout breveter. Je comprends toutefois la prudence de mes collègues.
Les amendements COM-350 rectifié, COM-171 et COM-170 sont retirés.
- Amendement 170
Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° Après le 1er alinéa de l’article L. 613-2-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa, la protection conférée par un brevet à un produit contenant une information génétique ou consistant en une information génétique ne s’étend pas aux produits contenant ou pouvant contenir l’information génétique brevetée, ou aux produits consistant ou pouvant consister en l’information génétique brevetée, de manière naturelle, ou suite à l’utilisation de procédés essentiellement biologiques qui font exclusivement appel à des phénomènes naturels comme le croisement ou la sélection. » ;
2° L’article L. 613-2-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa, la protection conférée par un brevet relatif à une matière biologique dotée, du fait de l’invention, de propriétés déterminées ne s’étend ni aux matières biologiques dotées ou pouvant être dotées desdites propriétés déterminées d’une manière naturelle ou à la suite de l’utilisation de procédés essentiellement biologiques qui font exclusivement appel à des phénomènes naturels comme le croisement ou la sélection, ni aux matières biologiques obtenues à partir de ces dernières, par reproduction ou multiplication. »
- Amendement 171
Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° Le I de l’article L. 611-19 est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° Les inventions portant sur un produit constitué en totalité ou en partie de matière biologique végétale ou animale ou sur un procédé permettant de produire, de traiter ou d’utiliser une telle matière biologique, lorsque cette matière biologique préexiste à l’état naturel ou lorsque elle a été obtenue ou peut être obtenue par l’utilisation de procédés essentiellement biologiques qui font exclusivement appel à des phénomènes naturels comme le croisement ou la sélection.
Est considérée comme matière biologique la matière qui contient des informations génétiques et peut se reproduire ou être reproduite dans un système biologique. » ;
- Amendement 350
Compléter ainsi les articles L611-19, L613-2-2 et L613-2-3 du Code de la propriété intellectuelle :
I. A l’article L611-19 insérer un 5° ainsi rédigé :
« les inventions portant sur un produit constitué en totalité ou en partie de matière biologique végétale ou animale ou sur un procédé permettant de produire, de traiter ou d’utiliser une telle matière biologique, lorsque cette matière biologique préexiste à l’état naturel ou lorsque elle a été obtenue ou peut être obtenue par l’utilisation de procédés essentiellement biologiques qui font exclusivement appel à des phénomènes naturels comme le croisement ou la sélection.
Est regardée comme matière biologique la matière qui contient des informations génétiques et peut se reproduire ou être reproduite dans un système biologique.
II. compléter l’article L613-2-2 du Code de la propriété intellectuelle par l’alinéa suivant :
« la protection conférée par un brevet à un produit contenant une information génétique ou consistant en une information génétique ne s’étend pas aux produits contenant ou pouvant contenir l’information génétique brevetée, ou bien consistant ou pouvant consister en l’information génétique brevetée, de manière naturelle ou suite à l’utilisation de procédés essentiellement biologiques qui font exclusivement appel à des phénomènes naturels comme le croisement ou la sélection.
III. Compléter l’article L613-2-3 par l’alinéa suivant :
« la protection conférée par un brevet relatif à une matière biologique dotée, du fait de l’invention, de propriétés déterminées ne s’étend pas aux matières biologiques dotées ou pouvant être dotées des dites propriétés déterminées d’une manière naturelle ou suite à l’utilisation de procédés essentiellement biologiques qui font exclusivement appel à des phénomènes naturels comme le croisement ou la sélection, ni aux matières biologiques obtenues à partir de ces dernières, par reproduction ou multiplication.
- Le texte des amendements :