La procédure d’opposition d’un brevet européen conduit souvent le juge français à examiner une demande de sursis dans l’attente de la décision de l’OEB. L’arrêt du 25 novembre 2014 de la Cour de Paris changera-t-il les pratiques ?
21 juillet 2005 : dépôt de la demande de brevet européen par SAS Georgia Pacific France (aujourd’hui dénommée SCA Tissue France) et intitulé ‘Distributeur de papier toilette dans lequel est logé le rouleau de papier toilette et le distributeur‘.
14 avril 2010 : délivrance du brevet européen n° EP 1 799 083 avec désignation de la France.
8 février 2011 : saisie-contrefaçon à la requête de SCA Tissue France dans les locaux des sociétés Sipinco et Global Hygiène et dans les locaux d’un tiers.
9 et 10 mars 2011 : sont assignées les sociétés Sipinco et Global Hygiène pour contrefaçon des revendications 1 à 9 de son brevet EP 1 799 083.
SAS Global Hygiène fait opposition au brevet européen.
SCA Tissue France demande le sursis à statuer dans l’attente de la décision de l’OEB.
14 mars 2013 : le TGI de Paris rejette la demande de sursis et annule la partie française du brevet pour insuffisance de description.
4 juillet 2013 : appel par SCA Tissue France.
Que dit la Cour de la demande de sursis à statuer ?
Considérant que la SAS SCA Tissue France reprend devant la cour sa demande de sursis à statuer dans l’attente de la décision de la chambre de recours technique de l’Office européen des brevets (OEB) dans la procédure d’opposition formée à l’encontre du brevet EP 1 799 083 ;
Qu’elle fait valoir que le prononcé d’un arrêt par la cour de céans avant l’intervention de la décision de la chambre de recours technique de l’OEB emporte le risque de décisions contradictoires, cette procédure en cours ayant lieu entre les mêmes parties et étant fondée sur les mêmes moyens ;
Considérant que les sociétés Global Hygiène et Sipinco s’opposent à cette demande en rappelant que la décision de l’OEB ne peut s’imposer à l’ordre judiciaire ;
Considérant qu’en cours de délibéré, comme il l’a été demandé par la cour, il a été indiqué que le 13 octobre 2014 la chambre de recours technique de l’OEB a confirmé la décision du 06 août 2013 de la division d’opposition de l’OEB rejetant l’opposition formée contre le brevet EP 1 799 083 et maintenant ledit brevet tel que délivré, sans modification ;
Considérant dès lors que la demande de sursis à statuer est devenue sans objet ;
Que devient la demande en nullité de la partie française du brevet qui a été prononcée par le Tribunal ?
14 mars 2013 : Le TGI a « dit que la partie française du brevet européen EP 1 799 083 B1 est nulle pour insuffisance de description (revendications 1 à 9) »,
Mais la Cour de Paris va infirmer le jugement. Comme l’insuffisance de description était aussi invoquée devant l’OEB, les décisions du 13 octobre 2014 et du 6 août 2013 ont – elles été prises en compte à l’arrêt du 25 novembre 2014 ? ( L’arrêt du 25 novembre 2014 et la décision de la Chambre de recours du 13 octobre 2014 sont en bas du post)
Notons la définition de l’homme du métier donnée par la Cour de Paris
Considérant que selon la SAS SCA Tissue France l’homme du métier est un technicien des papiers toilette et de leurs distributeurs à destination des collectivités tandis que pour les sociétés Global Hygiène et Sipinco l’homme du métier de référence est celui des feuilles d’essuyage au sens large, sous forme de rouleau – englobant les feuilles de papier toilette – et de leurs distributeurs permettant un dévidage feuille à feuille du papier ;
Considérant que l’homme du métier est celui qui possède les connaissances normales de la technique en cause et est capable, à l’aide de ses seules connaissances professionnelles, de concevoir la solution du problème que propose de résoudre l’invention ;
Considérant qu’en l’espèce l’homme du métier est un spécialiste des papiers toilette et de leurs distributeurs à destination des collectivités, connaissant les différences existant entre les différents types de papiers d’hygiène et cherchant à résoudre le problème posé, à savoir concevoir un distributeur de papier toilette feuille à feuille, avec une buse de distribution qui délivre des feuilles de papier peu froissées en sortie de la buse ;
La Cour de Paris va rejeter la demande en nullité de la revendication 1 du brevet pour absence d’activité inventive au regard de 8 documents. (Le lecteur pourra se reporter à l’arrêt et à la décision de la Chambre de recours pour comparer les documents cités et leur analyse, ensemble trop long pour ce post)
Citons encore l’arrêt de la Cour de Paris à propos de la demande en nullité des revendications dépendantes
Considérant que les sociétés Global Hygiène et Sipinco soulèvent la nullité des revendications dépendantes 2 à 9 pour défaut d’activité inventive en se fondant sur les mêmes documents ci-dessus analysés ;
Considérant que la revendication 2 se trouve placée sous la dépendance de la revendication 1 à laquelle elle renvoie directement, que la revendication 3 se trouve placée sous la dépendance des revendications 1 et 2, que la revendication 4 se trouve placée sous la dépendance des revendications 1 à 3, que la revendication 5 se trouve placée sous la dépendance des revendications 1 à 4, qu’ainsi les revendications 3 à 5 renvoient directement à la revendication 1 ;
Que la revendication 6 se trouve placée sous la dépendance de la revendication 5, que la revendication 7 se trouve placée sous la dépendance des revendications 5 et 6, que la revendication 8 se trouve placée sous la dépendance des revendications 5 à 7 et que la revendication 9 se trouve placée sous la dépendance des revendications 5 à 8, qu’ainsi les revendications 6 à 9 se trouvent également sous la dépendance de la revendication 1 à laquelle elles renvoient indirectement ;
Considérant en conséquence que les revendications 2 à 9 tirent leur validité du lien de dépendance les unissant à la revendication 1 elle-même valable ;
Considérant dès lors que les sociétés Global Hygiène et Sipinco seront déboutées de leur demande subsidiaire en annulation de la partie française du brevet européen EP 1 799 083 pour absence d’activité inventive ;
La contrefaçon a été retenue , un prochain post y reviendra.
L’arrêt de la Cour de Paris du 25 novembre 2014 est ici
La décision de la Chambre de recours technique du 13 octobre 2014 est là